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Mossi rue dans les brancards de la mode

MOSSI

C’est l’histoire d’un jeune de banlieue qui décide de braver les obstacles pour graver son nom dans la mode. Mais ne sortez pas les mouchoirs. Mossi, français d’origine malienne, est un créateur qui a su se faire une place, sans la demander, en s’appuyant sur son talent. Cet homme, qui voit la vie en noir et blanc, propose une mode délicate et pleine de contrastes. Dans sa marque éponyme, les plissés romantiques sont chahutés par des coupes asymétriques ou des finitions brutes. Après avoir tracé sa route seul, il ouvre le chemin aux futurs talents. Il les forme au sein des Ateliers Alix aux techniques de travail dans la Haute Couture. Soutenu par le show room Designers Apartment, Mossi n’a pas fini d’enfoncer les portes.

Par Inès Matsika

A quel âge votre intérêt pour la mode s’est-il manifesté ?

J’étais au lycée. Je devais avoir 15 ou 16 ans. Je traînais avec des amis qui piquaient des vêtements dans les grands magasins. Je ne connaissais rien à la mode. J’avais à peine deux jeans dans mon placard, et ils me servaient pour tout (rires). Mon goût pour la mode est donc arrivé par hasard, à force de chaparder des fringues. Je me suis fait une garde-robe incroyable. Je suis passé de celui qui avait envie d’avoir des jolis looks à celui qui désirait les créer. J’ai grandi dans un quartier sensible, à Villiers-sur-Marne, où pour être accepté, il faut correspondre à la norme. En créant, j’ai pu me raconter à travers le vêtement et me différencier des autres.

Après une formation chez Mod’Art, vous lancez en 2011 la marque Zhen & Mossi, avec votre complice Zhen. Une première expérience semée d’embûches. Avec le recul, que feriez-vous autrement et de quoi êtes vous le plus fier ?

J’ai rencontré Zhen sur les bancs de l’école. Tout nous séparait : nos goûts, nos origines – sa famille vient de Chine – , nos classes sociales et nos religions. Et pourtant, quand on créait ensemble, ça fonctionnait ! Nous avons réalisé plusieurs belles choses: un défilé au cimetière du Père Lachaise et un autre sur l’avenue Montaigne à Paris.

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On aimait les challenges ! Malheureusement, nous avons connu de plein fouet la réalité des jeunes créateurs. Sans investisseurs, tu t’endettes. Nous avons donc mis fin à l’aventure. Avec le recul, je ne changerai rien à notre parcours. À chacun son histoire. Je suis fier des difficultés que l’on a réussi à surmonter. Cette expérience m’a apporté des choses qui me sont encore utiles aujourd’hui.

Vous décidez ensuite d’aborder la mode sous l’angle de la formation en lançant Les Ateliers Alix en 2015. Que proposez-vous au sein de cette école ?

À l’origine, la formation portait sur la direction artistique. Je voulais éviter aux jeunes sélectionnés de faire les erreurs que nous avions commises. Mais j’ai réorienté l’apprentissage afin de répondre aux besoins les plus pressants du secteur de la mode. Il m’a semblé plus opportun de former des techniciens du vêtement car la main-d’œuvre manque. On ne prend que 12 élèves par an mais il y a un vrai travail d’accompagnement dans la formation puis dans la recherche d’un emploi. Cette école – qui est située à Villiers-sur-Marne – tend la main aux publics intéressés par la mode et qui n’ont pas les moyens d’intégrer les grandes écoles. Elle reçoit différentes aides  qui nous permettent d’offrir une formation gratuite.

En quoi est-ce important pour vous de transmettre ?

L’envie première est de faire émerger de futurs talents et de préserver un certain savoir-faire. Les personnes qui interviennent à l’école ont de belles carrières derrière elles dans la couture. Mais il faut comprendre que cette école contribue aussi au modèle économique de la marque. Quand on est un jeune créateur, on n’a pas forcément les moyens de se payer les meilleurs techniciens du vêtement. Donc nous avons décidé de les former et de les faire participer à la construction des collections. Quand je vois un jeune décrocher un boulot au sortir de la formation, je me dis que tout le monde est gagnant. C’est un échange.

Trouvez-vous le secteur de la mode encore trop fermé ?

Je suis un fonceur. Quand une porte est fermée, je la pousse ou je passe par la fenêtre (rires). Il faut aussi se battre dans la vie. Tout est une question d’état d’esprit, de volonté. Aujourd’hui, le milieu de la mode évolue. Il y a de plus en plus de diversité et de projets novateurs. Tout le monde a une chance.

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En 2018, vous avez lancé le label Mossi. Quelle différence y-a-t-il avec votre première marque ? Quelle mode défendez-vous à travers Mossi ?

Aujourd’hui, c’est ma vision qui s’exprime à 100% dans Mossi. J’ai une approche architecturale du vêtement. Je travaille beaucoup l’asymétrie, le plissé et les drapés. La plupart de mes créations sont signées en noir ou en blanc. Ce qui est un comble pour le grand amoureux des couleurs que je suis ! Je me rends régulièrement en Inde et à chaque fois, je suis bluffé par la palette de couleurs que l’on peut observer. Ça fuse de partout ! Mais dans mon travail, je ressens le besoin de me plier à une certaine rigueur. Le noir et blanc m’y aide.

Vous semblez être habité par un certain esprit couture. Quels sont vos maîtres de la création ?

Mon envie est effectivement de faire de la couture chic et accessible. Yohji Yamamoto est ma référence absolue. Il est unique, d’une poésie incroyable. Plus jeune, j’appréciais beaucoup John Galliano pour son grain de folie. Aujourd’hui, avec plus de maturité, je suis admiratif du travail de Martin Margiela et d’Issey Miyake.

Comment imaginez-vous votre marque dans 10 ans ?

J’ai envie d’avoir un lieu qui réunisse mes activités de création, de formation et d’événementiels, et ce dans plusieurs pays. J’essaie de dompter mon impatience et de respecter les étapes, mais j’ai hâte !

 

À écouter : Mossi se raconte dans un podcast

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L’héritage mode de Mossi

Votre première émotion mode

Le premier jean que j’ai piqué ? (rires) J’étais trop pressé de le mettre ! Plus sérieusement, quand j’étais jeune, j’ai vu une exposition de Yohji Yamamoto au Musée des Arts décoratifs à Paris. C’est ce jour-là que j’ai compris que créer, c’était être libre.

Une odeur liée à un souvenir mode

Ce n’est pas un souvenir mode en soi mais ce sont les odeurs les plus significatives pour moi. Ce sont celles de Mumbai, en Inde. Dès que je pose les pieds là-bas, tout ce que je respire me fait me sentir à la maison.

Les artistes qui ont forgé votre goût du beau

Je ne suis pas un adepte du beau au sens normatif du terme. J’aime les choses non finies, le côté brut des objets. A l’image du travail pluridisciplinaire de l’artiste coréenne Lee Bull. Elle fait partie des gens qui me rassurent. A chaque fois que je vois ses œuvres, ça me donne tout de suite des directives de travail.

2 institutions culturelles coup de coeur

L’Opéra Garnier est un lieu incroyable. J’aime aussi le Carrousel du Louvre…quand il n’y a plus personne ! J’ai été plusieurs fois au Taj Mahal en Inde, mais l’année dernière j’y ai organisé une séance photos avec la danseuse étoile Marie-Agnès Gillot. On a pénétré sur les lieux juste avant l’ouverture, ils étaient déserts. Voir le site de cette manière te procure une sensation très forte.

Les archives d’une maison de mode à découvrir

Celles de Madame Grès. L’école que nous avons créée porte son prénom. Ses robes sont éternelles.

https://www.mossi.fr/          https://lesateliersalix.com/  

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