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Dawei, un jeune créateur qui devient grand

Il fait partie des noms qui font le buzz durant la Paris Fashion Week. Dawei Sun, créateur d’origine chinoise, a lancé en 2016 son label Dawei et fait vibrer depuis deux ans les podiums de la capitale. A 38 ans, ce Parisien d’adoption, est reconnu pour sa mode architecturale. Ancien directeur artistique de Cacharel avec sa complice Ling Liu, il confronte dans sa marque un esprit poétique – issu de ses expériences passées – à des lignes déconstruites, aux accents couture. A quelques jours de son défilé de mode automne-hiver 2020-2021, on le rencontre dans son studio de création où règne une atmosphère calme et studieuse. Dawei est fin prêt à livrer sa vision tout en nuances de la femme. Allure juvénile et œil rieur : l’étoile montante dévoile un riche parcours, au carrefour de la Chine et de la France.

Par Inès Matsika

Photos backstage Printemps-été 2020 : Fany Yun Ling

Dawei
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Vous êtes né et avez grandi en Chine. D’où vous vient votre goût pour la mode ?

Je viens d’une famille de militaires. Quand j’étais petit, j’étais entouré de personnes portant l’uniforme. Je suis marqué par cet habit qui tend à homogénéiser un groupe d’individus. Il a très tôt nourri ma réflexion sur le vêtement et a certainement déclenché une envie de prendre le contre-pied, en créant des tenues qui reflètent la personnalité des gens.

Qu’est ce qui a motivé votre arrivée à Paris  et quel regard portiez-vous sur la mode française ?

Après avoir étudié les Beaux-Arts en Chine, je suis venu à Paris à l’âge de 20 ans. J’étais attiré par cette ville riche d’histoire, de culture, et qui est l’épicentre de la mode. Certaines villes sont certes plus excitantes en terme de business, mais Paris garde une aura particulière. Il y a ici une tradition couture qui m’est chère. Je me suis formé à la Chambre Syndicale de la Couture Parisienne. J’y ai appris des techniques qui sont toujours au cœur de mes créations.

 Avant de vous lancer en solo, vous avez créé la marque Belle Ninon avec Ling Liu que vous avez développée jusqu’à son départ en Chine. Quelle différence y-a-t-il entre les deux projets ?

Belle Ninon était une marque très parisienne, jusque dans son nom qui était un clin d’œil à la courtisane du 17ème siècle Ninon De Lenclos. Avec Ling, on a imaginé un vestiaire élégant et féminin. Quand j’ai lancé mon propre label, j’ai davantage exprimé mes goûts personnels : l’urbain, le sportswear, l’influence couture et surtout le minimalisme. Dans ma vie quotidienne, j’ai un goût prononcé pour la simplicité. Mon fantasme est d’habiter dans un appartement qui serait doté d’un lit, d’une table et puis c’est tout (rires).

dawei
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Toujours avec Ling Liu, vous avez été les directeurs artistiques de Cacharel de 2011 à 2013. Qu’avez-vous injecté de neuf à la marque et quels sont les codes historiques avec lesquels vous avez joué ?

Cacharel est une marque solaire, romantique, sur laquelle plane un esprit de jeune fille. C’était un univers très nouveau pour moi. Je me suis évidemment emparé des marqueurs forts de la maison, comme le liberty et les jeux de couleurs, que j’ai revisités. Travailler la couleur fut d’ailleurs un exercice inédit qui m’a converti aux tonalités fortes. Je n’ai pas souhaité faire de révolution au sein de Cacharel. J’ai, au contraire, conservé tout ce qui fait sa fraîcheur.

En quoi cette expérience vous-a-t-elle fait évoluer ?

Chez Cacharel, je n’étais pas un directeur artistique isolé dans sa tour d’ivoire (rires). Quand j’ai pris mes fonctions, Jean Bousquet – ancien maire de Nîmes et fondateur de la marque dont il relança l’activité mode en 2015. Ndlr – avait signé un contrat de licence avec le groupe italien Aeffe. La création était à Paris mais on s’appuyait sur les équipes techniques du groupe pour la commercialisation et la distribution de la marque. J’ai donc bénéficié d’une structure industrielle très élaborée. J’étais constamment en lien avec les merchandisers et les chefs de produits. J’ai renforcé mes compétences sur le développement d’une marque, sous tous ses aspects. Quand j’ai lancé Dawei, j’étais beaucoup plus armé.

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Les collections de Dawei sont développées dans votre atelier à Beijing. Comment affrontez-vous les préjugés sur le « Made in China » ?

C’est une image qui est en train de se fissurer. Il est indéniable qu’une fabrication de masse et peu qualitative s’était développée dans le pays, impulsée par des marques occidentales qui cherchaient à réduire leurs coûts. Mais la situation a beaucoup évolué. On trouve un travail d’excellence en Chine que je promeus à travers ma ligne. J’y ai tout un réseau et la fabrication est impeccable.

 D’où viennent vos goûts du volume et des rayures qui caractérisent la marque ?

Les rayures sont un clin d’œil aux silhouettes de militaires marins, qui furent comme je le disais nombreux dans ma famille. Les volumes illustrent mon goût de l’architecture. J’essaie de construire le vêtement avec des découpes différentes à chaque fois pour me dépasser et aussi me surprendre. J’applique les principes de la couture que je maîtrise, pour ensuite les détourner. Cela donne des silhouettes assez surprenantes. Cette approche expérimentale est ma touche de fabrique.

 

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Vos créations se distinguent aussi par leur jeu de matières…

Je les sélectionne principalement en Italie pour leur indéniable qualité. J’aime les matières nerveuses et assez techniques. Je viens de concevoir une capsule pour la marque italienne Cashmere Flakes composé de 10 pièces. Ce label a développé un procédé équitable et durable autour du cachemire. Il est sourcé en Mongolie sur un circuit très court. Le fil de cachemire est utilisé dans le rembourrage de doudounes et de pièces à manches selon un système particulier. On a travaillé des modèles en maille, en cachemire, réalisé une doudoune et des pièces rembourrées selon leur technique. Ce fut très intéressant d’appliquer leur ingénieux procédé.

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 Vous défilez depuis bientôt deux ans. Comment vivez-vous cet exercice et qu’a-t-il apporté à votre marque ?

Les défilés permettent de véhiculer une image forte d’une marque. Ils amènent évidemment leur lot de stress et de speed, mais je fais partie de ceux qui pensent qu’ils sont encore utiles aujourd’hui.

 Sans tout dévoiler de la collection automne-hiver 2020, pouvez-vous donner quelques éléments que l’on retrouvera sur le podium lors de la Paris Fashion Week?

Une touche de romantisme, un brin de poésie, des éléments sportswear et aussi de l’humour ! Toute la formule de Dawei (rires). Vous découvrirez aussi sur le podium la capsule réalisée avec Clergerie. Rendez-vous le 25 février 2020 !

www.dawei.fr 

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L’héritage mode de Dawei

Votre première émotion mode

J’ai travaillé chez Dior à l’époque de John Galliano. C’est à ses côtés que je suis devenu un vrai professionnel de la mode. Il a ouvert mon œil. C’est un homme qui adore les différentes cultures et il m’a appris à être curieux. Depuis, j’aime me laisser surprendre et inspirer par d’autres univers.

Un personnage de votre entourage qui a influencé votre style

C’est ma famille entière qui m’a inspiré. Quand j’étais jeune, la Chine était encore un pays assez fermé. Bien que militaires, mes parents ont été suffisamment ouverts d’esprit pour m’autoriser à rêver de mode. Ce sont des intellectuels, férus de littérature et d’histoire. Ils ont accepté que leur fils unique se lance dans un métier créatif alors que ma carrière militaire était toute tracée.

Une odeur liée à un souvenir mode

La fleur d’oranger ! Je ne sais pas pourquoi je lie cette odeur à la mode, mais c’est la première chose qui me vient à l’esprit (rires). Il y a aussi l’odeur de la toile en coton. Quand j’étais étudiant à la Chambre Syndicale de la Couture Parisienne, on repassait souvent cette matière et elle dégageait une odeur particulière.

Les artistes qui ont forgé votre goût du beau

L’architecte japonais Tadao Ando fait un travail formidable. Je suis touché par son sens de l’épure. Concernant la beauté, je la trouve absolument partout, même dans les choses très simples du quotidien. Je ne ressens pas forcément le besoin de posséder ce que je trouve beau. Il me suffit de poser un regard dessus pour être comblé.

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