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Barbara Bui

Le vestiaire tout en nuances de Barbara Bui

Barbara Bui fait partie d’un club très fermé. Celui des marques émotionnelles, avec lesquelles on a grandi. Depuis 37 ans, la fondatrice – dont le label porte le nom – poursuit une trajectoire à part. Elle embarque dans son sillage des fidèles de la première heure et de nouvelles adeptes séduites par une formule inchangée. Sans relâche, Barbara Bui révèle le paradoxe des femmes avec un vestiaire nerveux, taillé au scalpel, adouci par de belles matières. A l’image de ses vêtements, la créatrice – à la silhouette gracile et au tempérament indocile – affiche une vraie dualité. Rencontre avec une designer concrète qui ne se complaît pas dans un idéal mais porte un regard tendre sur la complexité des femmes.

Par Inès Matsika

Photos: Gil Rigoulet

 

Barbara Bui

Barbara Bui © Gil Rigoulet

Barbara Bui

Studio de création de Barbara Bui © Gil Rigoulet

En 1983, vous démarrez l’aventure Barbara Bui avec la fameuse boutique Kabuki où vous présentez vos modèles et ceux d’autres créateurs. Quels souvenirs gardez-vous de ce moment-là ?

A l’époque, le quartier des Halles à Paris (où était installée la boutique, ndlr) était l’équivalent de Soho à New York. L’ambiance était assez arty. Il y avait une éclosion de jeunes talents. C’était dynamique ! Tout le monde passait une tête chez Kabuki.

Au départ, c’était une minuscule boutique-atelier où je créais et vendais mes collections. Des pièces limitées, réalisées sur commande, qu’on nommerait aujourd’hui « des collections capsules ».

Il y avait un côté très artisanal et spontané dans ma façon de travailler. Je suis une autodidacte. Je n’ai pas fait d’école de mode. J’ai construit mon style sans me soucier des règles et sans me comparer aux autres créateurs qui émergeaient à l’époque. Au final, me lancer ainsi dans cette aventure fut assez libérateur.

Aujourd’hui, votre marque est culte et connaît un rayonnement international. La jeune Barbara Bui aurait-elle- parié sur une telle trajectoire ?

Non, je n’aurais jamais pensé à cette évolution. J’ai avancé sans aucun plan de carrière en tête. C’est quand la marque a commencé à grossir que je me suis rendue compte des enjeux. J’étais assez inconsciente ! (rires). Maintenant, avec le recul, je sais que la réussite est arrivée assez vite sur mon chemin.

 

barbara bui
Barbara Bui
barbara bui
barbara bui

© Gil Rigoulet

Votre réussite tient à un style très identifiable. Vous avez façonné une image particulière de la féminité. Comment la définiriez-vous ?

Mes clientes me disent souvent que mon vestiaire leur donne le courage de s’assumer telles qu’elles sont vraiment. C’est-à-dire plurielles : à la fois délicates et fonceuses, douces et affirmées. J’aime l’idée qu’elles expriment leur personnalité et la force qui est en elles à travers mes vêtements. C’est un immense plaisir de le constater.

D’où vous vient l’envie de bousculer une représentation trop conformiste du vestiaire féminin ?

Certainement d’une expérience personnelle. Etant menue et eurasienne, j’ai longtemps lutté contre les clichés de douceur et de fragilité suscités par mon apparence. Il se trouve qu’elle est trompeuse ! (rires). En créant, j’ai ressenti le besoin d’aller vers une image moins policée de la femme et de mettre à bas certains fantasmes. Le style masculin-féminin s’est imposé à moi car il permet d’exprimer beaucoup de nuances. Par exemple, je travaille depuis toujours la veste dans un esprit tailoring. Ajustée au corps, elle structure la silhouette et apporte un maintien qui est assez magique.

Le cuir est aussi au cœur de vos collections. Quel rapport avez-vous avec cette matière et quel pouvoir lui conférez-vous ?

Quand j’ai lancé ma marque, j’ai uniquement travaillé le cuir durant un certain temps, et ce, de manière artisanale. J’aime que cette matière soit pérenne. Elle a aussi un côté sensuel avec lequel j’aime jouer. Le cuir a pour atout de magnifier le noir, ma couleur fétiche. Il lui donne un reflet particulier.

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Votre marque s’est aussi démarquée par une image très forte. Racontez-nous votre collaboration avec le célèbre photographe David Bailey.

J’adorais les photos qu’il avait faites d’artistes réputés comme les Rolling Stones, les Who ou Andy Warhol. Je suis allée le voir et lui ai demandé de reproduire son style spontané pour les campagnes de mes collections. Il a réalisé des photos brutes, très peu sophistiquées, qui ont marqué les esprits. Elles représentaient parfaitement mon univers. Il est vraiment le meilleur dans ce style-là.

37 ans après le lancement de votre marque, qu’est-ce qui vous excite encore dans la mode ?

Je ne me lasse pas d’accompagner les femmes dans leur quotidien. Ma motivation reste intacte. J’ai encore plus envie de jouer sur les paradoxes et de montrer toutes les facettes qu’elles peuvent avoir. La mode continue à me plaire mais je résiste aux tendances lourdes qui n’ont pas de rapport avec l’univers Barbara Bui. Même si je comprends l’engouement suscité par le streetwear, je n’irai pas dans cette direction. Ce n’est tout simplement pas moi !

Quelles sont les évolutions dans la mode avec lesquelles vous n’êtes pas en accord ?

La course à la consommation ! Durant le confinement, une réflexion nécessaire a émergé sur l’accélération des rythmes de production dans la mode. Aujourd’hui, on a tous conscience que ce système doit changer. Pour protéger l’environnement, bien-sûr, et aussi pour coller aux véritables besoins des consommateurs. Créer une avalanche d’objets pour provoquer artificiellement du désir n’a plus de sens.

Barbara Bui

© Gil Rigoulet

barbara bui

Studio de création de Barbara Bui © Gil Rigoulet

Barbara Bui

© Gil Rigoulet

La durabilité, mot très en vogue en ce moment, vous l’avez théorisée très tôt à votre manière…

En effet, je n’ai pas eu besoin que d’autres le disent pour le penser (rires). Depuis le début, je table énormément sur la qualité de mes vêtements. Je ne fais pas une mode qui se jette mais qui s’inscrit dans le temps. Je lie aussi le mot « durabilité » à la notion d’attachement. J’ai la chance de fabriquer des pièces émotionnelles que les clientes portent longtemps et qu’elles transmettent parfois à leurs enfants.

Nous vivons une année particulière avec des perturbations qui sont peut-être annonciatrices de profonds changements. Comment la femme que vous êtes appréhende-t-elle ce moment ?

C’est beaucoup de questionnements qui émergent. On sent que les choses vont devoir changer. Comme tout le monde, je me demande comment participer à cette évolution. Concernant l’environnement, nos enfants nous demandent des comptes et nous mettent face à nos responsabilités. C’est notre devoir d’y répondre.

La question de la diversité qui est aussi très présente dans les débats actuels, je l’ai toujours intégrée dans mon travail. J’ai eu à cœur de présenter des cultures étrangères en m’éloignant toujours de l’aspect folklorique. Ce qui est perturbant, c’est que ces questions existent depuis des décennies et rien ne bouge… Ou si peu ! La nouvelle génération, qui est animée par l’urgence, va certainement contribuer à ce que ça avance plus vite. Quand j’échange avec ma fille de 15 ans, j’ai vraiment ce sentiment. Et cela me donne confiance en l’avenir.

www.barbarabui.com 

À écouter : Barbara Bui se raconte dans un podcast

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