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Valette Studio

Valette Studio invente le néo-tailleur

On les dit prétentieux et snobs. Mais la bonhomie de Pierre-François Valette fait tomber tous les clichés sur les jeunes créateurs en vogue. Joyeusement bavard, le designer de 30 ans ne manque pas de mots pour expliquer ce qui l’a motivé à lancer Valette Studio il y a deux ans. Un label à la maturité étonnante qui réinvente le tailleur et l’ancre dans une grande modernité. Ce vestiaire abouti a très vite retenu l’attention des acteurs de la mode. La marque a fait une entrée remarquée au calendrier officiel de la Paris Fashion Week et est présente au showroom SPHERE. Deux graal auxquels beaucoup prétendent et que peu atteignent. Dans son studio de création parisien, aux murs tapissés de tout ce qui l’inspire, Pierre-François raconte comment un jeune garçon originaire de Caen est devenu couturier. Entre deux savoureuses digressions, on découvre un entrepreneur sérieux, amoureux du vêtement, mais aussi de la nuit et des gens. En somme, un bon vivant.

Par Inès Matsika

Valette Studio

Pierre-François Valette

Valette Studio

Comment le goût du vêtement est-il venu chez vous ?

Je ne sors pas du tout du sérail de la mode. J’ai grandi en Normandie, entouré de parents médecins. Ma sensibilité au vêtement vient certainement de ma grand-mère d’origine italienne qui était une très bonne couturière. Ma mère y a aussi contribué, sans le savoir, en m’embarquant dans ses virées shopping. C’est une femme de goût, que j’ai beaucoup observé se vêtir. Son dressing Helmut Lang a certainement eu une influence sur moi ! (rires). Avant que la mode ne m’embarque, je me destinais à une carrière de chanteur d’opéra. Un rêve auquel j’ai dû renoncer quand ma voix a mué. Durant ces années d’études de chant, j’étais sans arrêt en costumes. Ils me fascinaient. Je les ai beaucoup étudiés.

Vous avez lancé Valette Studio en 2020, une année marquée par le début de la crise sanitaire. Racontez-nous comment l’aventure a démarré dans ce contexte très particulier ?

J’ai eu la chance de présenter la première collection de Valette Studio en janvier 2020. Deux mois avant que nous basculions dans cette période incertaine. Le lancement n’a donc pas tout de suite été impacté par le contexte sanitaire. Le projet avait pris forme en 2019, quand j’ai décroché le premier prix du Saint Laurent Couture Institute. Il s’agit d’un programme d’apprentissage à la Haute Couture dédié aux stagiaires de la Maison. Galvanisé par la reconnaissance du jury, qui était entre autres composé de Francesca Belletini (CEO de Saint Laurent, ndlr) et de Pascal Morand (président de la Fédération de la Haute Couture et de la Mode– FHCM, ndlr), j’ai décidé d’aller jusqu’au bout de ma démarche en produisant une collection entière.

Valette Studio
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La collection a pu être commercialisée jusqu’au premier confinement. Puis, nous avons basculé sur le digital en lançant notre e-shop. Notre chance fut d’être sélectionné pour entrer au calendrier officiel de la Paris Fashion Week en janvier 2021. Depuis, tout s’est enchaîné très vite.

Quelle est la proposition vestimentaire de Valette Studio ?

J’ai toujours apprécié la silhouette du dandy, que je revisite avec des éléments rock, inspirés de l’énergie londonienne ou de la Factory, l’atelier d’artistes ouvert par Andy Warhol dans les années 60.

Ce qui m’amuse, c’est de combiner le chic et le décontracté. Ma pièce maîtresse est le tailleur, que je travaille comme un couturier traditionnel, à partir de patrons en papiers et de toiles. J’apprécie ses lignes minimalistes que je cherche à moderniser avec des volumes amples et des couleurs inattendues.

Ma grande préoccupation est de réaliser des vêtements à la fois élégants et faciles à porter. Ils doivent simplifier la vie des hommes et des femmes qui les adoptent.

Qu’appréciez-vous dans le tailoring dont vous appliquez les codes ?

Je suis admiratif de l’ingéniosité des coupes qui apportent un grand confort au tailleur. Tout mon travail consiste à réaliser le juste tombé, qui offre un maximum d’aisance à ce vêtement.

La crise sanitaire a accéléré l’urgence de repenser la mode. Comment intégrez-vous les exigences de responsabilité et de diversité dans votre label ?

Nous avons fait le choix de maîtriser au plus près les matières avec lesquelles nous travaillons. Nous commandons des métrages très réduits de tissus afin de limiter les stocks. Je fais partie de cette génération pour qui la question du genre ne se pose pas. Mon vestiaire s’adresse à toute personne, sans classification de sexe. Par ailleurs, je suis un grand observateur. C’est ce qui me permet de proposer des vêtements ancrés dans le réel, adaptés aux besoins de tous.

Vous vous êtes formé à la Chambre Syndicale de la Couture Quels sont les enseignements sur lesquels vous vous appuyez encore aujourd’hui ?

De ces quatre ans d’apprentissage à la Chambre Syndicale de la Couture (aujourd’hui fusionnée avec l’IFM, ndlr), je garde une grande rigueur et le plaisir de travailler. J’ai également découvert que la mode, c’est évidemment du savoir-faire, mais aussi – et peut-être surtout – du business.

Vous avez travaillé chez Isabel Marant et Saint Laurent. Quelles sont les leçons que vous en tirez ?

J’ai beaucoup observé Isabel Marant. Elle essaie tous les habits et a pour leitmotiv de ne pas dissocier le beau du commercial. J’ai été bluffé par sa capacité de travail.  Chez Saint Laurent, ce qui m’a frappé, c’est la présence presque palpable du couturier. Les personnes qui ont travaillé avec lui sont encore émues à la seule évocation de « Monsieur » Saint Laurent. C’est très fort.

 

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Un an après le lancement de Valette Studio, vous êtes entré au calendrier de la PFW et vous présentez vos collections chez SPHERE. Quel est l’impact pour la marque ?

Entrer dans le calendrier fut pour moi une grande fierté. Quand j’ai découvert que notre première présentation était planifiée après le show de Louis Vuitton, j’ai ressenti un petit vertige (rires). Cela a offert à Valette Studio une incroyable visibilité. Il était important d’intégrer cette grande famille de la FHCM.

Faire partie de SPHERE (showroom de créateurs dirigé par la FHCM et par le Défi, ndlr) était aussi un impératif. L’équipe est très performante. Elle nous encadre, nous supporte financièrement, tout en nous laissant libres de nos choix.

Durant la tenue du showroom, on rencontre des acheteurs influents et nous échangeons avec les nombreux journalistes venus découvrir les créateurs soutenus par la Fédération. C’est un accélérateur assez impressionnant pour les jeunes marques.

Quels sont les autres jeunes designers dont vous vous sentez proche et existent-il des synergies entre vous ?

Je me sens proche de toutes les marques présentes à SPHERE comme Egonlab. Il règne un très bon esprit entre les designers. On se parle beaucoup et on s’entraide dès que l’on peut. C’est un fonctionnement naturel chez moi. Je m’intéresse aux autres parce que je suis curieux, et que je pars du principe qu’il y a toujours quelque chose de positif à découvrir chez autrui.

 

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L’héritage mode de Pierre-François Valette

Une odeur liée à un souvenir mode

Quand j’étais enfant, ma mère portait le parfum « Opium » d’Yves Saint Laurent. Je l’ai surnommé le « parfum du désert » car il est relié au souvenir d’un trek que nous avions fait en famille au Maroc et durant lequel j’eu un accident. De cet événement, j’ai bizarrement gardé en mémoire l’odeur de ma mère, comme si elle m’avait rassuré.

Les artistes qui ont forgé votre goût du beau

Mozart, avant tout. Je l’adore depuis l’enfance. J’admire son abnégation. Il n’a jamais renoncé à son art malgré le manque d’argent qu’il subira particulièrement à la fin de sa vie. Je suis aussi un grand admirateur du peintre Chagall.

Une personne fictive ou réelle qui a inspiré votre style

Michael Jackson. Plus jeune, j’étais totalement fan de son look : les mitaines, le pantalon court, les chaussettes blanches. J’assume même si cela peut sembler kitsch aujourd’hui (rires).

Les designers qui vous ont donné envie de créer

Karl Lagerfeld car c’était une personnalité hors du commun. Raf Simons, parce qu’il trace un chemin singulier dans l’industrie de la mode. Sa créativité, tout comme sa parole, sont très libres.

Deux institutions culturelles coups de cœur

Le Jardin Majorelle et le musée Yves Saint Laurent à Marrakech. J’aime comment ces lieux parlent de ce couturier. Je suis très admiratif de son parcours et travailler pour sa maison a renforcé ce sentiment. C’est émouvant de savoir que Pierre Bergé et Yves Saint Laurent reposent ensemble dans ces lieux.

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