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Diane Ducasse

La nouvelle élégance signée DA/DA

Diane Ducasse. ©Camille Luciani

« Le costume pour tous ». Tel pourrait être le slogan martelé par Diane Ducasse, créatrice de DA/DA. Depuis 4 ans, la marque fait entrer une esthétique masculine dans le placard des femmes et ringardise d’un coup de revers de veste les représentations classiques de la féminité. Avec ses tenues boyish aux couleurs vitaminées, Diane Ducasse s’amuse à brouiller les frontières du genre. Son vestiaire se distingue par des coupes architecturales, des étoffes nobles et des lignes fluides, garantes d’une liberté de mouvement. Entre deux éclats de rire communicatifs, la créatrice dévoile les dessous d’un dressing espiègle, à l’identité décalée. Une garde-robe impertinente, en forme de manifeste.

 Par Inès Matsika

 Photos : @insidefashionplaces – Silhouettes : DR

J’ai lu qu’une des raisons qui vous a poussée à fonder Da/Da était l’envie de faire une mode ludique et de vous amuser en créant. Quatre ans après le début de l’aventure, vous amusez-vous toujours  autant?

Je m’amuse autant, mais pas tous les jours (rires). Ce qui est agréable, c’est que la marque se développe, on touche plus de monde qu’à nos débuts. On gagne en visibilité en étant présent dans de belles adresses comme le Bon Marché et en participant à des pop-up stores chez Merci et aux Galeries Lafayette. Certaines personnalités, comme Caroline de Maigret, qui sont séduites par DA/DA contribuent aussi à mettre la marque en lumière. Tout cela est assez excitant et gratifiant. Ce qui est moins amusant, c’est la partie business. Il faut trouver plus d’argent pour poursuivre notre croissance. Et plus on grossit, plus on a de problèmes à gérer !

Quel a été le déclic pour lancer DA/DA ?

Après avoir longtemps été styliste free-lance pour des marques, j’ai ressenti le besoin de faire quelque chose qui me ressemblait. Il est intéressant d’adopter les codes d’une maison mais on peut perdre de vue sa propre créativité.

Les débuts de DA/DA furent très instinctifs car je n’avais jamais rêvé de créer une marque. Je pensais être trop terre à terre pour vivre une aventure aussi folle ! Je me suis laissée guider par une envie : celle de proposer un vestiaire masculin-féminin aux nombreuses femmes en quête de ce type de garde-robe.

DA/DA
DA/DA
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Quels sont les détails et les lignes que vous aimez le plus emprunter au vestiaire masculin-féminin ?

J’aime avant tout les matières comme les lainages italiens et les velours côtelés. Des tissus qui ont une tenue, un poids, une douceur et une certaine lumière. En terme de lignes, j’adore revisiter les vestes : blazers, vestes croisées ou des modèles d’inspiration japonaise.

Comment féminisez-vous vos pièces ?

Dans mes créations, la touche féminine est apportée par des détails. Par exemple, je m’amuse à resserrer les poignets des chemises avec des boucles. J’applique le nouage japonais aux vestes d’hommes. Il structure et adoucit leur volume. Je joue aussi des proportions au niveau des cols et des poignets pour féminiser les pièces.

Selon vous, quel pouvoir le costume confère-t-il à une femme ?

Il donne de la force et une certaine prestance. Mes clientes le portent pour avoir davantage confiance en elles dans certaines situations, comme une prise de parole devant un public. C’est une espèce d’armure dans laquelle elles se sentent à l’aise.

DA/DA
DA/DA

Vous avez élaboré un langage vestimentaire particulier. Dans quelles sources avez-vous puisé pour l’articuler ?

Dans l’art principalement. Le nom de la marque DA/DA fait un clin d’œil aux artistes surréalistes que j’affectionne. Je suis inspirée par les couleurs de Miró, les formes de Calder, la céramique de Picasso. Ces œuvres ont guidé le côté décalé de mes vêtements et la palette de couleurs vives que j’utilise. Je m’inspire aussi beaucoup du design des années 70 et 80, ainsi que du cinéma. Je suis une grande admiratrice des films de Jim Jarmush ! Et je ne compte plus le nombre de fois que j’ai vu le film Jules et Jim de François Truffaut. Les tenues portées par Jeanne Moreau m’ont pas mal habitée quand j’ai lancé la marque.

Vous donniez des cours de stylisme au Studio Berçot, où vous avez étudié. En quoi est-ce important pour vous de transmettre ?

J’ai toujours entendu ma mère dire que les infirmiers et les enseignants faisaient les plus beaux métiers du monde ! Ça a dû m’influencer (rires). Dans la vie, je ne suis pas une personne particulièrement patiente, mais je le deviens quand il s’agit d’enseigner car j’adore ça. Quand j’étais adolescente, je donnais des cours d’allemand, de maths et de physique-chimie. Face à des matières difficiles, j’aime trouver les moyens de mettre fin aux blocages psychologiques et d‘intéresser réellement les personnes. Au Studio Berçot, le challenge était plus simple car les élèves avaient choisi de suivre ces cours. C’était très gratifiant de leur apporter mon savoir et aussi de me rendre compte de l’étendue de mes connaissances ! On a souvent tendance à se sous-estimer.

 

DA/DA
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Vous avez travaillé auprès de Michel Vivien et de Vincent Darré. Qu’avez-vous appris de ces deux grandes figures de la mode ?

J’ai travaillé aux côtés du décorateur et styliste Vincent Darré pour des numéros exceptionnels du magazine l’Officiel dont il assurait la direction artistique. Je l’ai aussi assisté sur plusieurs projets de décoration. Ce fut une période hyper riche ! Vincent Darré est un bourreau de travail qui sait aussi être léger et jovial au quotidien. Il m’a appris à m’amuser en travaillant ! C’est un homme impressionnant, qui a côtoyé les plus grands, de Jean Cocteau à Karl Lagerfeld. Il est doté de connaissances incroyables et se souvient de tout sans prendre la moindre note !

C’est surtout quelqu’un de très humain qui m’a redonné confiance à un moment où je ne savais plus si je souhaitais évoluer dans le milieu – parfois difficile – de la mode.

Michel Vivien est un personnage qui m’a aussi impressionnée. Il est l’un des derniers artisans de la chaussure. Il formait lui-même ses moules. Je n’avais jamais vu ça. Comme Vincent Darré, il a le goût du partage et sait mettre les autres en lumière.

 

DA/DA
Diane Ducasse

Dans une interview accordée au magazine L’Express*, Vincent Darré dit « qu’il faut être naïf pour créer dans ce milieu. Quand on est un vieux loup de la mode, on devient trop cynique ». Qu’en pensez-vous ?

Il a raison (rires). Il faut garder une part de naïveté et un côté infantile pour pouvoir s’amuser dans ce milieu, et pour éviter d’être blasé. Il faut aussi rester curieux, se nourrir de tout. On a la chance d’être à Paris et d’avoir une offre culturelle très riche. S’abreuver d’art permet de mesurer tout ce qui a été fait, et de comprendre avec modestie, ce qui reste encore à faire.

Que répondriez-vous à une personne qui vous dirait que la mode n’est pas de l’art ?

Je lui dirais que c’est dommage de penser ainsi, même si je ne me considère pas comme une artiste ! Tout le processus créatif des couturiers est artistique. Ils dessinent, marient des couleurs, confectionnent…La mode, au même titre que la peinture ou le cinéma, fait pleinement partie du patrimoine français. La France ne serait pas la même sans des artistes comme Yves Saint Laurent, Jeanne Lanvin ou Coco Chanel. Ce qui est intéressant, c’est que tous ces domaines artistiques se répondent et s’inspirent les uns des autres. En tant que créative, c’est précisément ce qui me nourrit.

www.dadaparis.com

L’héritage mode de Diane Ducasse

Première émotion mode

Les couleurs de la Réunion où j’ai vécu jusqu’à l’âge de cinq ans. Les femmes mélangent des vêtements aux tons chauds, qui à priori s’entrechoquent, mais au final le résultat visuel est très intéressant.

Les personnes qui ont influencé votre style

Les femmes de ma famille – ma mère, mes tantes et mes sœurs – m’ont familiarisée avec le style masculin-féminin dès l’enfance. Chez nous, c’est une signature.

Les artistes qui ont forgé votre goût du beau

Si je ne devais en citer qu’une, ce serait Frida Kahlo. J’aime son audace, le fait qu’elle ait osé s’habiller comme un homme à une époque où ça ne se faisait pas et qu’elle se soit affirmée comme une femme artiste. Elle était d’avant-garde.

Les créateurs qui vous ont donné envie de faire ce métier

Yohji Yamamoto pour son art de mixer les matières, pour ses superpositions et son sens du volume. Martin Margiela pour son inventivité, Yves Saint Laurent pour ses costumes magnifiques et Coco Chanel pour son élégance nonchalante.

 

*Entretien de Vincent Darré à L’Express du 3/02/2012

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