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Gérard Musy

Le photographe Gérard Musy remet la fête au goût du jour

Gérard Musy

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Ses photos parlent d’une fête éternelle. Dans les années 80, Gérard Musy immortalise une période particulière de la mode et du milieu de la nuit. Audacieuse, excentrique, sans limites. Muni de son appareil, l’artiste suisse se faufile dans les coulisses de défilés des plus grands couturiers et explore un angle jusque-là peu exploité. Celui de la vie bouillonnante en backstage, où les masques tombent et les rires explosent. Initialement présentées à l’espace photographique du Leica store, ces photos d’un autre monde font désormais l’objet d’une exposition virtuelle. Au moment où le nôtre bascule suite à la crise du coronavirus, le photographe de 61 ans insiste sur l’effet cathartique des images légères et pleines d’énergie. Son remède post-confinement.

 

Par Inès Matsika

Comment allez-vous et comment se déroule votre confinement ?

J’ai le privilège de le vivre dans ma maison de campagne. Cela ne m’empêche pas de trouver ce moment absolument vertigineux. Cette crise a pris une proportion que je n’aurais jamais imaginée. On a basculé dans l’inconnu et il faut composer avec. J’ai vécu d’autres crises sanitaires, comme le ravage du sida à la fin des années 80. Mais celle-ci ne ressemble à aucune autre. J’imagine qu’elle aura des conséquences à très long terme.

Comment la crise affecte-t-elle votre travail ? Avez-vous trouvé des solutions pour réadapter votre activité photographique ?

Les projets ont été soit annulés soit reportés. L’aspect financier sera catastrophique pour tout le monde. Il faut profiter de cette pause pour revoir et repenser son travail. Le mien repose sur les gens. Donc aujourd’hui, je me tourne vers la nature !

Je prépare depuis longtemps un grand livre sur la vie nocturne des années 80 et 90. Je vais enfin pouvoir finaliser la sélection des photos. Au sortir de cette crise, nous allons avoir besoin d’images légères qui véhiculent une certaine énergie. Je vais proposer, par le biais de mon travail, de dépasser cette période morbide, de reprendre vie et de rebondir !

Gérard Musy

Défilé Patrick Kelly, 1988. © Gérard Musy

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Défilé Oscar de la Renta, Naomi Campbell et Iman, 1988. © Gérard Musy

Il est encore tôt pour se projeter dans le futur, mais comment l’imaginez-vous ?

Après la première guerre mondiale, il y eut les Années folles. Après la deuxième guerre mondiale, Paris et notamment le quartier Saint-Germain-des-Prés, ont connu un tourbillon créatif. J’espère que la France va vivre à nouveau un épisode de folie. Il faudra bien-sûr se recentrer sur des choses essentielles, mais aussi exprimer fortement notre joie de vivre. Dans mon métier lié à l’image, j’espère un sursaut. Avec les réseaux sociaux, la photographie est devenue très formatée, plate et inintéressante. Après ce moment, j’espère y trouver plus de sentiments humains, d’éclats de rire, de chair et de vie.

Parlez-nous de votre parcours. Comment la mode est-elle devenue un sujet de photographie pour vous ?

Le monde de la nuit est mon sujet de prédilection, je n’ai jamais cessé de le documenter. C’est en évoluant dans ce milieu, peuplé par des personnalités de la mode, que j’ai été amené à les rencontrer puis à photographier leur travail. Ce qui, au départ était un pur hasard, a finalement pris une grande place dans ma vie. 

 

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Gérard Musy

Défilé Azzedine Alaïa, Naomi Campbell et Tatjana Patitz, 1987. © Gérard Musy

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Défilé Christian Lacroix, 1989. © Gérard Musy

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Défilé Thierry Mugler, Naomi Campbell, 1988. © Gérard Musy

Vous vous êtes distingué en photographiant les coulisses des défilés. En quoi était-ce novateur à l’époque ?

A ma connaissance, j’ai été un des seuls à le faire au milieu des années 80 et à voir ses reportages publiés dans des magazines de mode comme Splash ou Harper’s Bazaar. A cette époque, toute l’attention était portée sur les défilés. Ils ne s’agissait pas de grands shows ultra-rodés comme aujourd’hui mais plutôt d’événements bricolés. Et les couturiers, comme les mannequins, ne cherchaient pas à contrôler leur image. J’ai donc pu circuler librement en cabines – c’est comme cela que l’on nommait les coulisses – et faire des photos prises sur le vif. J’ai shooté l’envers du décor des défilés de Thierry Mugler, Yves Saint Laurent, Christian Lacroix, Azzedine Alaïa, Emmanuel Ungaro

Aujourd’hui, les coulisses ne sont plus le parent pauvre du défilé mais font partie intégrante du show. En replongeant dans mes archives, il m’a semblé intéressant de montrer au public ces images rares sous la forme d’une exposition Éclats late 80’s Fashion, qui est devenue virtuelle suite aux mesures de confinement.

Photographier les coulisses était-ce une façon de se détourner du sujet mode, pour mieux s’intéresser aux personnages ?

Même si ces photos parlent toujours de mode, il est vrai que ce sont les personnalités croisées et leur énergie que j’avais envie de capturer. Des femmes comme Naomi Campbell – dont j’ai immortalisé les premiers pas chez Azzedine Alaïa en 1987 -, Linda Evangelista, Iman, Tatjana Patitz…J’essayais de capter des moments, d’illustrer une certaine effervescence qui montait en coulisses. Je voulais tout montrer, sauf des pauses figées.

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Le Palace, 1987 © Gérard Musy

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Magazine Splash, Patrick Kelly, 1988. © Gérard Musy

Vous avez aussi beaucoup photographié le monde de la nuit. Que conservez-vous comme souvenirs de cette période si particulière ?

Durant les années 80, l’argent coulait à flot et le milieu de la nuit illustrait cette profusion de cash avec des fêtes exubérantes. Le Palace, boîte mythique et antichambre de la mode, exprimait bien cela. On y croisait des gens de toutes orientations sexuelles, de différentes classes sociales et de tous milieux professionnels. Mais ces personnes avaient un but commun : faire la fête ensemble, dans la plus grande insouciance.

En quoi le milieu de la mode d’aujourd’hui est-il différent de celui des années 80?

Je vais répondre avec le point de vue d’un photographe. Aujourd’hui, il n’y a plus de liberté lorsque l’on doit fabriquer une image de mode. Tout est très codifié, marketé par les groupes auxquels les marques appartiennent. Le photographe est devenu le simple maillon d’une chaîne, il n’a plus son mot à dire. Lorsque je vivais à New York, j’étais représenté par l’agent du photographe Herb Ritts. Je travaillais énormément, sans toujours y trouver mon compte. J’ai très vite compris l’importance de conserver en parallèle les sujets qui me passionnent car l’industrie de la mode peut broyer un artiste. Peut-être que la période que nous vivons va permettre de redonner un peu d’âme à la photographie dans ce milieu.

 https://ewgalerie.com/artistes/musy-gerard/

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Défilé Emanuel Ungaro, Paris, 1987. © Gérard Musy / En haut de page: Cindy Crawford, New York, 1989 © Gérard Musy

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