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Sur les pas d’Yves Saint Laurent avec Laurence Benaïm

Vous pensiez tout savoir sur Yves Saint Laurent ? Un nouveau livre démontre que le sujet est inépuisable. Yves Saint Laurent : the impossible collection paru aux éditions Assouline met en scène l’œuvre du couturier qui continue, sans cesse, d’émouvoir et d’intriguer. Dans cet ouvrage, Laurence Benaïm – journaliste de mode et biographe du créateur culte – nous invite à plonger dans le vertige Saint Laurent à travers une sélection d’archives rares et un nouvel éclairage sur son parcours. Un livre lumineux que l’auteure – qui s’est engagée dans la lutte contre le Covid-19 – a encore plus à cœur de défendre en cette période difficile.

Par Inès Matsika

Vous avez décidé d’agir contre le Covid-19 en organisant une vente aux enchères. Racontez-nous cette initiative.

Mon père réside dans un Ehpad. Au début de l’épidémie, le personnel et les résidents manquaient cruellement de matériels pour se protéger. J’ai très vite réagi face à ce drame. En moins de dix jours, j’ai organisé avec Tajan Auction la vente aux enchères Les talents s’engagent qui a eu lieu du 23 au 27 avril 2020. J’ai mobilisé une centaine de personnalités aux horizons différents –créateurs de mode, musiciens, designers, etc – dont Guillaume Néry, Mylène Farmer, Renaud Capuçon et Leïla Slimani. Ils ont fait don d’objets personnels pour la vente. Nous avons récolté 255.000 €, ce qui est une très belle réussite. Le résultat de la vente ira au fond SOS EHPAD, pour améliorer le quotidien du personnel soignant. Cette généreuse action a permis de transformer un moment sombre en quelque chose de solaire. La noblesse du cœur est une des qualités que j’ai toujours admirée chez Yves Saint Laurent. En cette période terrible, je puise dans les souvenirs que j’ai de lui. Je crois aux forces de l’invisible et je sais qu’il me guide.

 

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Robe Mondrian, Haute Couture, Automne 1965 © Christoph Sillem

Laurence Benaïm

Comment êtes-vous devenue la biographe d’Yves Saint Laurent ?

Je l’ai rencontré à la fin des années 80 alors que j’étais jeune journaliste au journal Le Monde. Lors d’un défilé, j’ai ressenti comme un choc en voyant sa collection. J’ai eu le sentiment que c’était l’œuvre d’un homme habité par la couleur, la lumière et aussi les ténèbres. J’ai rédigé mon premier article sur lui. A la suite de cela, il m’a écrit une lettre, et ce fut le début d’une longue relation professionnelle entre lui et moi. J’ai commencé à documenter tout son travail et depuis, je n’ai pas arrêté. C’est l’histoire d’une vie, d’une passion. Il m’a donné beaucoup de force même si nous n’étions pas intimes. Je n’ai jamais fait partie de sa cour. Je suis trop timide pour cela. J’ai réservé mes audaces à mes enquêtes, à mon travail de recherche afin de comprendre le mieux possible son travail.

Dans le livre on apprend qu’Yves Saint Laurent, qui était un couturier ouvert sur le monde, n’aimait pas voyager …

Yves Saint Laurent avait connu très jeune l’arrachement à sa terre natale : Oran, en Algérie, qu’il quitta à 18 ans pour poursuivre ses études en France. Plus tard, le voyage a continué de représenter une forme d’exil à ses yeux. Je pense aussi que, comme tout artiste, il n’avait pas besoin de parcourir des kilomètres pour être inspiré. Il voyageait dans sa tête. Il était un confiné visionnaire ! Avec son compagnon, Pierre Bergé (homme d’affaires aujourd’hui décédé, Ndlr), il avait trouvé une solution pour explorer le monde sans bouger à travers une collection inestimable d’objets venus des quatre coins du globe.

Le Maroc était bien-sûr une exception à ses yeux. C’est un pays dont il est tombé amoureux et dans lequel il possédait trois maisons, dont la villa Oasis. Il était passionné par les couleurs et les odeurs de ce pays. Mais à côté de ce storytelling officiel, il ne faut pas oublier que l’Algérie, où il n’est jamais retourné, représente pour Yves Saint Laurent son véritable ancrage. C’est la lumière d’Oran qu’il cherchera toujours à représenter dans son travail. 

Le livre démontre aussi l’impact de la nature sur son œuvre. Quel rapport entretenait-il avec elle ?

Il n’était pas attiré par une nature décorative, charmante ou pittoresque. Il l’aimait ensorcelante, faite d’animaux sauvages et de fleurs aux odeurs entêtantes. Yves Saint Laurent en était addict. C’était le faste et la flamboyance qu’il recherchait en elle. Il était très influencé par des peintres comme Bonnard, Matisse et David Hockney qui représentent la nature de cette manière. En l’imaginant, plus qu’en la reproduisant. Yves Saint Laurent dessinait une nature fantasmée. Ses croquis étaient ensuite interprétés, de manière magistrale, par des artisans avec lesquels il travaillait pour ses collections comme les soieries Abraham ou le brodeur François Lesage. Bien-sûr, les parfums comme Paris et Opiumfragrance florale pour l’une et capiteuse, pour l’autre illustrent aussi son lien particulier à la nature.

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Robe, Haute Couture, automne 1968. © Yves Saint Laurent/Alexandre Guirkinger

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Dessin d’Yves Saint Laurent pour  » Le Diable à Paris »,  un livre pour enfant jamais publié. Photo de Fabrice Gousset, © Cornette de Saint Cyr

Yves Saint Laurent rêvait de gloire depuis l’enfance. C’est assez rare…

Il avait une ambition précoce : celle de devenir Yves Saint Laurent. C’est un homme qui a inventé sa vie, qui l’a rêvée et qui est devenu le personnage imaginé en devenant le plus jeune couturier du monde à 21 ans.

Enfant, il rêvait de voir son nom inscrit sur les Champs-Élysées. La Tour Eiffel – qui était peut-être à ses yeux un « y » à l’envers – incarnait pour lui la réussite. Le rêve de Paris est aussi lié à son adolescence passée à Oran. Il voulait échapper à cette capitale assiégée par l’ennui, telle que la décrivait Albert Camus. La ville lumière représentait le graal pour ce garçon très romantique. Devenu couturier, il va l’associer à son nom, en reprenant l’appellation Rive Gauche pour sa boutique historique. Pour lui, Paris était au-delà d’une capitale. C’était un idéal. La gloire, qu’il a tant recherchée, est venue avec des modèles qui ont fait date comme la robe Mondrian, le costume pour femmes, les robes avec un jeu de transparence et la collection Opéra-ballets russes en 1976 qui est la plus fastueuse de sa carrière. Cette gloire désirée l’a aussi consumé. Yves Saint Laurent a construit les barreaux d’une cage dorée, dont il rêvait à la fois de s’enfuir et à laquelle il était solidement attaché.

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En haut de page: photo de David Atlan appartenant à Laetitia Casta, mise en vente lors de l’action solidaire Les talents s’engagent

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