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L’Envers prend la mode à contre-courant

On connaît tous la fameuse expression « the girl next door« . Julie Robinne, la créatrice de L’Envers, en est l’incarnation. Spontanée et rieuse, elle fait partie de cette génération d’entrepreneurs qui ont trouvé la formule magique pour leur marque, combinant développement digital et valeurs éco-responsables. Celle qui ne se destinait pas à la mode a placé au cœur de son projet la maille naturelle tricotée avec passion par des artisans. Rencontrée dans un café parisien quelques heures avant qu’elle ne s’envole pour l’Espagne où elle s’est installée, Julie explique avec panache les coulisses de L’Envers et pourquoi elle met un point d’honneur à aller à contre-courant de la fast fashion. Convaincue qu’il y a urgence à défendre une mode éclairée elle fait alliance avec des labels pointus pour signer des capsules durables. La dernière en date est avec la marque très en vogue À la Réunion. Une rencontre entre la maille et l’upcycling arty made in Brooklyn.

 Par Inès Matsika

Photos capsule L’Envers X A la Réunion: Claire Guarry

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Julie Robinne

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Capsule L’Envers X A la Réunion © Claire Guarry

Votre arrière grand-père avait une filature de lin. L’amour pour le textile s’est-il transmis de génération en génération dans votre famille ?

Oui, et je le vis depuis que je suis née. J’ai toujours baigné dans cet univers. Ma famille est établie depuis des décennies à Dunkerque, dans le nord de la France. Une région réputée pour son bassin industriel textile. Mon arrière grand-père paternel avait une filature de lin. Et du côté maternel, mes aïeux dirigeaient une bonneterie. Ces entreprises n’ont malheureusement pas survécu à la Première guerre mondiale. Mais elles sont restées dans nos mémoires. Mon père m’a beaucoup raconté d’histoires sur ces aventures familiales.

Quels sont vos premiers souvenirs de lin ?

Notre maison était emplie de pièces de lin : des nappes, des rideaux, des draps. J’ai grandi en côtoyant quotidiennement cette matière. Je garde aussi en tête son odeur. Elle était très présente dans notre maison, elle s’infiltrait partout. J’ai un rapport quasi charnel avec le lin. J’adore le toucher, sentir son irrégularité sous mes doigts. C’est cette sensibilité au textile qui m’a conduite à le placer au cœur de ma marque L’Envers. J’ai voulu mettre en lumière la laine, une autre matière que j’apprécie beaucoup. J’aime la liberté qu’offre ce fil. On peut en faire mille choses.

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Capsule L’Envers X A la Réunion © Claire Guarry

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Capsule L’Envers X A la Réunion © Claire Guarry

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Capsule L’Envers X A la Réunion © Claire Guarry

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Capsule L’Envers X A la Réunion © Claire Guarry

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Quel est votre rapport au pull, qui est au cœur de L’Envers ?

Il est à fa fois fonctionnel et esthétique. J’aime qu’un pull me tienne chaud et qu’il me rende belle ! C’est une pièce clé du vestiaire féminin comme masculin.

Travailler dans la mode n’a pas été votre premier choix de carrière. Pouvez-vous expliquer votre parcours ?

Il est plutôt classique. J’ai quitté Dunkerque pour faire une prépa HEC à Lille, puis j’ai poursuivi mes études à Nantes où j’ai fait une école de marketing. J’ai travaillé durant de longues années chez Habitat, entre l’Espagne, Paris et Londres. Je m’occupais du merchandising visuel des magasins. C’était très créatif.

 Qu’est ce qui vous a poussée à lancer un label dans une industrie ultra-concurrentielle ? Qu’aviez-vous envie de défendre ?

C’est une réflexion sur l’industrie de la mode et ses dérives qui m’a conduite à lancer L’envers. Je passais des entretiens pour une grande enseigne de mode. Je me suis donc intéressée à la manière dont cette industrie fonctionne. Même si j’avais conscience de l’impact dévastateur de la mode sur l’environnement, j’ai davantage compris l’ampleur du phénomène en faisant mes recherches. C’est bête à dire comme cela, mais je me suis sentie investie d’une mission !  L’idée de créer un label vertueux s’est imposée à moi. Mon héritage familial m’a naturellement indiqué le bon chemin à suivre pour ce projet : celui d’une confection artisanale et d’une production raisonnée.

J’étais déjà installée en Espagne quand le projet a commencé à prendre forme dans ma tête. Je me suis donc intéressée à l’artisanat local qui a du mal à survivre à cause des délocalisations des géants de la fast fashion comme Inditex. Je suis partie à la recherche de femmes et d’hommes aux mains d’or pour les placer au cœur de mon projet. Je ne savais pas du tout dans quoi je m’aventurais mais j’étais persuadée de bien faire (rires).

Qu’est ce qui fait de L’Envers une marque éco-responsable ?

La majorité des produits est fabriquée localement, afin de réduire l’impact de la marque sur les émissions de CO². Je me suis entourée d’artisans qui travaillent dans la région où je vis, près de Madrid. Pour bien travailler, il me semblait important de nouer des liens avec eux. Et cela, on ne peut le faire qu’en travaillant à leurs côtés.

Une grande partie de la laine utilisée est sourcée et filée en Espagne. J’utilise beaucoup de mérinos qui vient à l’origine de ce pays. Pour l’Alpaga, je me fournis en Italie. Cette laine est ensuite filée par une petite entreprise dans la Creuse qui détient un véritable savoir-faire en la matière. Mon autre engagement est celui d’une production raisonnée. On ne fabrique que ce qui est commandé. Je définis un nombre restreint par modèle et chaque pièce est tricotée quand une cliente l’achète. Réduire la quantité est le principal défi de l’industrie de la mode. Il était capital pour moi de prendre le contre-pied du modèle dominant et de développer une production qui a du sens. À travers L’Envers, je défends aussi l’idée de la lenteur. Il faut patienter un mois avant de recevoir la pièce commandée. On partage avec notre clientèle la conviction que ce qui est bien fait est réalisé lentement.

Lire aussi: Molli, la maille en héritage

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Quelles sont les « fausses-bonnes » idées green dont vous vous êtes détournée ?

Il est difficile, voire impossible, d’être 100% green. Il faut choisir ses batailles ! Je me méfie de la labélisation écologique des produits. C’est une véritable industrie ! Il faut payer chaque année pour être audité par des spécialistes. Or tous les bons éleveurs, par exemple, ne font pas ce choix alors qu’ils pourraient décrocher la certification pour leur laine. Ils ne veulent pas faire valider des pratiques qui, pour eux, découlent du bon sens et du respect de l’animal. Un bon produit n’est donc pas toujours labélisé !

Quelle part de vous-même infusez-vous dans vos créations ?

Je ne suis pas designer de mode. Je dessine donc spontanément des formes simples qui correspondent à ma vision de l’élégance. J’aime l’idée du pull épais, un peu doudou, qui procure un sentiment de protection quand on l’enfile.

Vous venez de signer une collaboration avec À la Réunion. Comment cette capsule est-elle née ?

J’aime beaucoup le travail de Sarah Nsikak. On partage l’amour de la maille et la conception durable de nos produits. Elle fait de l’upcycling et réalise des robes qui frôlent l’œuvre d’art depuis New York. On a fait se rencontrer nos univers à travers une robe réalisée en série limitée. J’aime beaucoup l’idée de la collaboration. C’est une façon de prendre la parole autrement.

Quelles sont les autres marques dont vous vous sentez proche en terme d’univers et de valeurs ?

En France, je me sens proche de l’univers de SIXSŒURS. Comme je vis en Espagne, j’observe avec attention le mouvement de jeunes créatrices qui prend de l’ampleur. Par exemple, j’apprécie beaucoup le vestiaire de The Label Edition.

 Vous vivez en Espagne avec votre famille. Pourquoi ce choix et quelle influence cela a-t-il dans la manière de vivre l’aventure L’Envers ?

Nous vivions à Londres auparavant. Mon mari a eu une opportunité de travail en Espagne qui tombait à pic. J’étais enceinte de ma deuxième fille. Même si nous avons adoré notre aventure londonienne, la vie y est assez intense. C’était pas mal de se poser dans une ville plus calme, près de Madrid. Je ne sais pas si L’Envers serait né sans ces changements dans nos vies. On est arrivé en pleine crise économique. Et j’ai dû inventer mon travail ! C’était inattendu. Six ans après, j’en suis très heureuse. Même si mener une aventure entrepreneuriale demande beaucoup de souffle, je ressens chaque jour la satisfaction de réaliser quelque chose qui a du sens.

lenversfashion.com 

 

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Capsule L’Envers X A la Réunion © Claire Guarry

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