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La fête éternelle d’Antonio Lopez

 Antonio Lopez, Paris 1974. © The Estate of Antonio Lopez and Juan Ramos

Dommage qu’Instagram n’existât pas à son époque. Antonio Lopez en aurait été le roi ! Photographe de mode, illustrateur et noctambule infatigable, il aurait vampé le réseau social avec son imagerie pétillante, ultra sensuelle et disco. Fauché par le sida en 1987 à l’âge de 44 ans, l’Américain d’origine portoricaine fait partie de ces personnes dont l’aura hante encore le milieu de la mode. L’exposition Antonio Lopez, Visionary Writing à la Fundaçao Dom Luis – un musée de Cascais au Portugal – rend hommage à cette icône haute en couleurs, dont le travail résonne incroyablement avec notre époque.

Par Inès Matsika

Un art protéiforme au service de la beauté

Il y a des légendes qui plantent un personnage. Celle d’Antonio Lopez raconte qu’il aurait cousu sa première robe à 2 ans ! C’est un fait avéré : cet esthète traquait le beau et le reflétait dans chaque expression de son travail. Qu’il croque une robe d’Yves Saint Laurent, qu’il photographie les reines de la nuit ou qu’il les filme en Super 8, Antonio Lopez a le don d’immortaliser le flamboyant. Mais rien de convenu dans son travail. L’artiste s’amuse au contraire à bousculer les images, à faire déborder ses traits de crayon en injectant une bonne dose de kitsch, de dérision et de sensualité explosive. Dans les années 60, ce style conquit de nombreuses rédactions. Le Women’s Wear Daily, Harper’s Bazaar, le New York Times, Interview – le magazine d’Andy Warhol – puis Vogue s’arrachent le talent de l’ancien étudiant de la Fashion Institute of Technology.

Son tour de force : imposer des croquis de mode à une époque où le dessin de presse est balayé par la photographie. Antonio Lopez organise la résistance et persiste à faire rayonner l’illustration dans les supports les plus prestigieux et auprès des grandes marques.

 

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Jessica Lange, New York, 1974 © The Estate of Antonio Lopez and Juan Ramos

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Elle Magazine, Paloma Picasso, 1973. © The Estate of Antonio Lopez and Juan Ramos

« The pants Uniform », The New York Times Magazine, Susan Baraz, 1966. © The Estate of Antonio Lopez and Juan Ramos

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Juan Ramos, Provincetown, 1962. © The Estate of Antonio Lopez and Juan Ramos

 

Si Antonio Lopez séduit, c’est aussi parce qu’il réussit à faire évoluer son art.

Un jour sa route croise celle d’un Instamatic, et c’est le coup de foudre ! Il fond pour cet appareil photo élaboré par Kodak – qui n’existe plus aujourd’hui – et qui produit des images au format carré. Il ne le quittera plus jusqu’à sa mort. Il shoote alors toutes les mannequins en vue, les créateurs en vogue et les personnalités phare de son carnet d’adresses. Autant dire la quasi-intégralité !

Jusque dans les années 80, Antonio Lopez est autant connu pour son travail que pour être un oiseau de nuit joyeux, traînant avec tout le gotha de la mode et de l’art. Sa dernière incursion artistique sera pour le film tourné en Super 8. Des œuvres plus rares, d’une durée de 3 minutes, que dévoile l’exposition aux côtés des autres pans de son travail.

La diversité portée aux nues par l’artiste

« Enfin ! », voilà ce que pourrait penser Antonio Lopez aujourd’hui. L’inclusion – réclamée à cor et à cri par les consommateurs – commence à changer la face de l’industrie de la mode, hautement normée jusque-là.

Avant-gardiste, l’artiste se positionne dès le début de sa carrière comme pourfendeur de la diversité. Issu d’une famille modeste – sa mère était couturière et son père, sculpteur de Stockman -, il grandit à East Harlem, au sein d’une communauté pluriethnique. « À travers son travail, Lopez a fait de grands progrès dans l’exploration et la représentation du corps ethnique ou racialisé. Ses images ont aidé à développer et à souligner un nouveau canon de la beauté tout au long des années 70 et 80 », explique dans une note Anne Morin, curatrice de l’exposition. Guidé par l’ouverture, l’artiste fera de la pluralité un des piliers de son art, aux côtés de la célébration des physiques singuliers – on lui doit la découverte de Grace Jones et de Jerry Hall ! – et d’une grande liberté sexuelle (il était lui-même bisexuel). Un parti pris fort qui l’impose Outre-Atlantique mais aussi à Paris où Antonio Lopez vécut de 1969 à 1975, avec Ramos, son partenaire de vie et collaborateur.

Son esthétique à part et son sens de la fête le font entrer dans un cercle prisé où évoluent Yves Saint Laurent et Karl Lagerfeld, pour lesquels il travailla étroitement. Le strass et les paillettes qui parsemaient son chemin, ainsi qu’une aptitude à vivre très vite et très fort, ne doivent pas occulter le travail conséquent et complexe d’Antonio Lopez.

S’il choisit la mode comme vecteur principal pour exprimer son talent, elle n’était au final qu’un prétexte pour dépeindre la vie telle qu’il la fantasmait : lumineuse, fantasque, ardente.

Exposition Antonio Lopez, Visionary Writing jusqu’au 12 octobre 2019. Fundaçao Dom Luis.

« Blue water series », Pat Cleveland and Grace Jones, Paris, 1975. © The Estate of Antonio Lopez and Juan Ramos

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Antonio Lopez, Charles Tracy et Pat Cleveland, New York, 1975.

En haut de page: « Red coat series », Grace Jones, Paris, 1975. © The Estate of Antonio Lopez and Juan Ramos

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