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Festival d'Hyères

10 questions à Jean-Pierre Blanc, directeur du Festival de Hyères

À Hyères, la grand messe de la mode n’aura pas lieu en avril. Comme d’autres événements, la 35ème édition du Festival international de mode, de photographie et d’accessoires de mode a été reportée suite à la crise sanitaire due au coronavirus. Fondateur de ce qui est devenu le rendez-vous incontournable – et le plus hype – de la jeune création, Jean-Pierre Blanc s’exprime à chaud sur la période inédite que nous traversons. Directeur de la Villa Noailles où se déroule la manifestation, il partage sa volonté de maintenir coûte que coûte sa mission de service public et de soutien aux jeunes artistes. Interview d’un défenseur infatigable de la création qui garde son optimisme intact, malgré les temps troubles.

 Par Inès Matsika

Photos: sélection des jurys du Festival de Hyères

Jea-Pierre Blanc

Jean-Pierre Blanc

Festival d'Hyères

Jury sélection mode © Luc Bertrand

Tout d’abord, comment allez-vous et comment se déroule votre confinement ?

Je me porte bien, et c’est déjà pas mal. Paradoxalement, je suis assez actif malgré le report du festival. Dans la mesure où mes journées sont pleines, je ne subis pas de plein fouet les effets du confinement. Mais comme tout le monde, je trouve ce moment déstabilisant. J’ai été désorienté durant deux jours. Nous avons peu l’habitude de nous retrouver face à nous-même. C’est un état intéressant en soi, mais il a fallu s’adapter. C’est aussi une période triste avec toutes ces personnes atteintes par la maladie et ces familles qui pleurent leurs disparus. Je pense avant tout à eux.

Suite à la crise sanitaire, vous avez été contraint de reporter en octobre 2020 la 35ème édition du Festival de Hyères. Comment avez-vous vécu cette décision ?

Nous l’avons prise à regret avec nos différents partenaires, mais le contexte l’imposait. Nous échappons pour l’instant au scénario de l’annulation, et c’est en soi un soulagement. Les trois concours habituels seront organisés pour départager de jeunes talents en mode, photographie et accessoires de mode.

Le prochain événement aura-t-il les mêmes contours ?

Ce que je peux vous dire aujourd’hui – car évidemment la situation peut évoluer – c’est que nous conserverons les mêmes présidences du festival, à savoir le designer Jonathan Anderson pour la mode (directeur artistique de Loewe et fondateur de JW Anderson, ndlr). Paolo Roversi présidera le jury de la photographie et Hubert Barrère celui des accessoires de mode. La composition des jurys pourrait évoluer si certains membres sont au final indisponibles. Pour la première fois, le festival est placé sous le haut patronage de la présidence de la République. La venue d’Emmanuel Macron est éventuellement envisagée. Ceci représente une grande fierté et la reconnaissance d’un travail de valorisation de la jeune création que nous menons depuis 35 ans.

Festival de Hyères

Jonathan Anderson (au centre) entouré du jury mode, © Luc Bertrand

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Jury sélection mode © Luc Bertrand

Festival de Hyères

Jury sélection mode © Luc Bertrand

Festival de Hyères

Jury sélection mode © Luc Bertrand

Pouvez-vous nous parler des rendez-vous numériques initiés par la villa Noailles pour pallier sa fermeture et
le report du Festival de Hyères ?

Cette idée a émergé assez rapidement. C’était une évidence pour nous d’agir et aussi un besoin, afin de maintenir notre santé mentale (rires). Tous les jours à 17 h, nous invitons des artistes à faire une performance live sur Instagram dont le temps est complètement variable. Ils ont carte blanche. Nous mettons la loupe sur des talents méconnus du grand public.

Nous couvrons évidemment nos domaines de prédilection – design, mode, photographie et architecture– mais ouvrons aussi le spectre en invitant des personnalités de la danse, de la musique et de la gastronomie. Le week-end, nous présentons une sélection d’archives sur le Festival de mode de Hyères et sur le couple Marie-Laure et Charles de Noailles (mécènes qui construisirent et vécurent à la Villa Noailles, ndlr). Le but est de proposer un moment de détente et de joie au public qui est confiné chez lui.

Comment réagit votre communauté ?

Il y a un noyau dur qui suit et nous encourage avec des commentaires sympathiques. On ne cherche pas à faire de l’audience. On serait suivi par deux personnes que notre satisfaction serait la même. Nous avons le sentiment d’accomplir notre mission de service public. Il faut le rappeler : la Villa Noailles est un centre d’art d’intérêt national. Elle accueille certes des festivals mais est aussi un lieu qui promeut la création toute l’année auprès du public à travers des ateliers, des expositions, etc.

 

A lire aussi: Confinement, l’initiative de Marc-Antoine Coulon et Vogue

Festival de Hyères

Jury sélection mode © Luc Bertrand

Festival de Hyères

Jury sélection mode © Luc Bertrand

Mesurez-vous déjà un impact de la crise sur les jeunes créateurs qui, par essence, ont des trésoreries fragiles ?

L’annulation des différents événements* dans le secteur de la mode est un coup dur pour les jeunes créateurs car c’est un moment où ils présentent leur travail à de possibles acheteurs. Mais comme la plupart des usines ont fermé, il est de toutes les manières très compliqué de préparer de futures collections.

Nous avons la chance d’avoir un système d’aides mis en place par l’ État et un accompagnement de la Fédération de la mode et de la Haute Couture*. Leur réactivité a été exceptionnelle, il faut le souligner. Bien-sûr, le temps nous permettra de comprendre s’il n’y a pas trop d’écart entre la volonté du gouvernement et la réalité du terrain.

La pause obligatoire que nous vivons entraîne une réflexion sur l’ultra-productivité de nos sociétés et son impact sur l’environnement. Pensez-vous que l’industrie de la mode saura se saisir de ce moment pour accélérer une prise de conscience qui commençait à émerger ?

Aujourd’hui, la volonté écologique est réelle dans le secteur de la mode, même si elle a différents niveaux en fonction des maisons et des groupes. Il est encore tôt pour comprendre comment cette crise inédite va lui donner davantage d’ampleur. Mais il me semble quasi impossible de revenir à la situation qui la précédait.

Il ne s’agit en rien d’un pronostic savant. Je ne peux que partager avec vous mes sensations. Mais nous sommes nombreux à nous dire qu’il y aura un avant et un après. Il nous appartient de le définir.

 

Festival de Hyères

Hubert Barrère (à droite) avec le jury accessoires de mode © Julie Berranger

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Jury sélection photos © Luc Bertrand

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Jury sélection photos © Luc Bertrand

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Paolo Roversi (au centre) avec le jury photographie  © Luc Bertrand

Comment imaginez-vous le monde d’après ?

Personnellement, je ne veux plus retourner travailler ! (rires). Il est possible que nous abandonnions les rythmes effrénés auxquels nous sommes contraints. Que cette nouvelle lenteur devienne la règle. En tous les cas, c’est ce que je souhaite. Concernant l’industrie de la mode, je laisse les capitaines de groupes prendre les décisions qui leur incombent et je leur fais confiance pour cela.

Quel regard portez-vous sur la réaction des marques en ces temps de crise ?

Je ne souhaite pas me poser en juge. J’observe juste que certains acteurs de la mode répondent au rendez-vous et participent à l’effort commun.

Y-a-t-il des initiatives que vous saluez ?

Ces dernières semaines, de grandes maisons ont montré leur responsabilité. Par exemple, j’ai été heureux de savoir que certains groupes et marques n’auraient pas recours au chômage partiel pour leurs employés comme Kering ou Chanel. D’autres mobilisent leurs moyens pour fabriquer des masques et des gels pour les soignants. Nous vivons un moment rare. Il est réconfortant de constater que le plus grand nombre de personnes réagisse à sa mesure.

www.villanoailles-hyeres.com

Ils ont été propulsés par le Festival de Hyères

Viktor & Rolf (édition 1993) / Felipe Olivera Baptista (édition 2002) : directeur artistique de Kenzo/ Antony Vacarello (édition 2006) : directeur artistique d’Yves Saint Laurent/ Rushemy Botter et Lisi Herrebrugh (édition 2018) : directeurs artistiques de Nina Ricci

 

* En France, la Paris Fashion Week Mode Masculine et la semaine de la Haute Couture prévues en juin et en juillet 2020 ont été annulées.

* Voir aussi l’accompagnement proposé par la  Fédération française du prêt-à-porter féminin

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Jonathan Anderson, président du jury mode © Luc Bertrand / Haut de page: lancement du Festival de Hyères, Say Who, © Jean_Picon

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