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Chantal Thomass

Hommage à la mode audacieuse de Chantal Thomass

Chantal Thomass

Comment ne pas en parler ? Chantal Thomass, c’est avant tout une silhouette construite autour d’un éternel carré noir de jais et d’une bouche rouge sang. La créatrice a autant marqué la mode par son style inimitable que par ses modèles coquins, dédiés à l’extrême féminité. Celle qui fut créatrice de mode avant de se spécialiser dans la lingerie glamour voit son univers –rose bonbon – exposé à la Joyce Gallery, à Paris. Dans un décor proche du boudoir sont mis en scène le meilleur de ses créations, ainsi que des archives personnelles qui nous font pénétrer dans son intimité. L’occasion de rencontrer la papesse des dessous chics et de jeter un regard sur une carrière foisonnante qui n’est pas prête de s’arrêter.

Par Inès Matsika

Photos : Gilles Jacob

Vous avez dû plonger dans vos archives pour préparer cette exposition. Qu’est ce qui vous a le plus amusée et le plus émue dans cet exercice ?

Je replonge régulièrement dans mes archives car j’ai souvent besoin de prêter des pièces aux musées. C’est toujours émouvant d’observer ce que j’ai fait depuis les années 70. Mon seul regret est d’avoir trop peu de choses des toutes premières années. Je ne savais pas que j’allais faire une longue carrière. Je ne voyais pas l’intérêt de conserver les modèles car je ne pensais qu’à une chose : la prochaine collection !

 La scénographie de l’exposition fait un clin d’œil au boudoir, cher à votre univers. Quelles sont les pièces mises en scène qui symbolisent le plus la féminité à vos yeux ?

Il est difficile de choisir car toute ma garde-robe était une ode à la féminité. Mais les modèles ayant des jeux de transparence, comme le trench à dentelle exposé sur un mannequin, ou ceux ornés de plumes sont pour moi extrêmement féminins.

Chantal Thomass

« Col » en plexi noir, Chantal Thomass

Chantal Thomass

Silhouettes et accessoires issus des collections de prêt-à-porter et de lingerie de 1980 à 1994, Chantal Thomass

Chantal Thomass
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Chantal Thomass

Vous êtes connue pour être une créatrice de lingerie, alors que vous avez débuté dans la mode…

Oui, ce qui est assez cocasse car je n’étais pas très sensible à la lingerie à la base ! Je n’ai jamais porté de soutien-gorge jusqu’à l’âge de 25 ans. À l’époque, les filles qui avaient une poitrine menue suivaient l’exemple de Jane Birkin et s’en passaient !

Dans ma carrière, la lingerie est arrivée un peu par accident. Elle a pris le pas sur le prêt-à-porter malgré moi. Avant de m’y consacrer, j’avais une marque de prêt-à-porter : Ter et Bantine lancée en 1967, transformée en marque éponyme à partir de 1975.

Un jour, j’ai eu l’envie de mettre en lumière la lingerie rétro des années 30 à 50. À l’occasion d’un défilé, j’ai créé une mini-collection dans des couleurs très vives et ça a été un succès immédiat. J’étais la première créatrice française à faire défiler de la lingerie ! Je fus une pionnière dans ce domaine. Durant 15 ans, j’ai continué à intégrer quelques passages de lingerie dans mes défilés. Et c’étaient ceux-là qui retenaient l’attention et étaient relayés dans la presse ! C’est le succès de ces modèles qui m’a amenée à concentrer mes activités autour de la lingerie.

Avec le recul, quelle est votre plus grande contribution à la mode?

Avoir dévoilé au grand jour les dessous. J’ai fait de la mode avec des sous-vêtements ! Aujourd’hui c’est un classique, mais à l’époque, c’était inédit de faire apparaître un porte-jarretelles sous une jupe fendue, un soutien-gorge sous une chemise ouverte et d’associer un corset à une jupe.

Chantal Thomass
Chantal Thomass

Silhouette issue des collections de prêt-à-porter et de lingerie de 1980 à 1994, Chantal Thomass

Qu’auriez-vous aimé inventer ?

J’ai quand même essayé de faire pas mal de choses (rires). Mais il m’arrive d’observer des projets qui correspondent à mon univers dans la décoration, dans l’architecture, dans la photographie que j’aurais pu initier.

Vous avez quitté la direction artistique de Chantal Thomass il y a un an. Quelles sont les nouvelles activités créatives qui vous occupent ?

Mon champ d’action a toujours été ouvert. Parallèlement à ma marque, je m’étais déjà lancée dans d’autres aventures comme la décoration d’hôtels, la création d’objets design et artisanaux comme les vases en céramiques présentés dans l’exposition. C’est ce type d’activités que j’ai envie d’approfondir aujourd’hui. Mes projets actuels s’orientent davantage vers la décoration.

Vous avez très tôt compris l’importance d’incarner une marque. A quel moment avez-vous saisi que votre style inimitable allait contribuer à son aura ?

Ça s’est fait par hasard. Au début des années 80, j’ai rencontré un publicitaire dans un dîner. N’ayant pas à l’époque les moyens de faire de la publicité dans les journaux, il m’a suggéré l’idée de communiquer sur moi. Sur le moment, je n’étais pas emballée car j’étais assez timide. Mais lors d’une séance photos, il a eu la bonne idée d’exploiter une ombre chinoise et de la transformer en logo. Cette image forte, composée de ma silhouette et de ma coupe de cheveux, a contribué à propulser la marque.

 

 

Chantal Thomass

Silhouette issue des collections de prêt-à-porter et de lingerie de 1980 à 1994, Chantal Thomass

Nous sommes en pleine Fashion Week parisienne. Quel regard portez-vous sur le système actuel des défilés ?

Il m’attriste un peu car le but de mes défilés était de mettre des personnalités en valeur. J’adaptais le maquillage et la tenue à l’allure du mannequin. Aujourd’hui, elles sont toutes mises en scène de la même manière. On ne les reconnaît pas ! Avant, quand Naomi Campbell ou Claudia Schiffer arrivaient sur le podium, leur présence unique faisait un sacré effet !

 Le secteur de la lingerie est assez bousculé par deux phénomènes : l’exigence de montrer différentes morphologies et les imperfections du corps féminin. Qu’en pensez-vous ?

Ça me surprend un peu. J’ai effectivement toujours présenté ma lingerie sur des femmes minces. En revanche, elle a toujours été proposée aux grandes tailles.

Quelles marques de lingerie considérez-vous comme dignes héritières de l’univers Chantal Thomass ?

Eres, La Perla, Agent Provocateur, même si ces derniers m’ont pas mal copiée ! (rires)

 

Chantal Thomass

Silhouette issue des collections de prêt-à-porter et de lingerie de 1980 à 1994, Chantal Thomass

Chantal Thomass

Accessoires issus des collections de prêt-à-porter et de lingerie de 1980 à 1994, Chantal Thomass

Chantal Thomass

Silhouettes et accessoires issus des collections de prêt-à-porter et de lingerie de 1980 à 1994, Chantal Thomass

La mode regorge de nouveaux talents, mais il y a des noms qui restent et font figure de boussole comme le vôtre. Quelles autres maisons résistent bien au passage du temps selon vous ?

Karl Lagerfeld a fait un travail incroyable pour Chanel. Il a su, très intelligemment, reprendre les codes de Coco Chanel, tout en les modernisant. Il en a fait quelque chose de très contemporain.

Quels sont les créateurs dont la vision ou la présence vous manquent ?

Karl Lagerfeld, justement. J’apprécie aussi beaucoup le talent d’Alber Elbaz, l’ancien directeur artistique de Lanvin.

Il y a des créateurs dans les années 80 qui ont fait des merveilles et dont on parle moins aujourd’hui comme Claude Montana, Thierry Mugler… Ils étaient très pointus. J’étais proche d’eux et on fonctionnait en bande ! On était très libre d’un point de vue créatif. On ne connaissait pas la pression des chiffres, il n’était pas question de marketing et encore moins de tendances !

Pour en revenir à l’actualité, je trouve désespérant que la maison Sonia Rykiel connaisse une liquidation judiciaire. C’était déjà très triste d’apprendre sa mort… Cette maison a marqué ma jeunesse et est un bout du patrimoine français.

Qu’est ce qui vous excite encore dans la création ?

Ce qui m’excite, c’est de réaliser des choses que je n’ai encore jamais faites ! J’aime par dessus tout le challenge.

 

Chantal Thomass « Personal shopping » à la Joyce Gallery, jusqu’au 5 octobre 2019. www.joycegallery.com

L’héritage mode de Chantal Thomass

Première émotion mode

Je devais avoir 15 ans. Mes parents m’ont envoyée en Angleterre. C’est là que j’ai découvert la mode… et les Beatles ! Ça a été une claque.

Une personne qui a influencé votre style

Ma mère était couturière. Elle me confectionnait des robes à froufrous et des volants roses. Ça a dû m’influencer (rires).

Une époque à laquelle vous auriez aimé vivre

La période des années 20 était très intéressante pour les femmes car elles ont acquis une certaine liberté. Elles se sont libérées des corsets, ont coupé leurs cheveux et pour les plus téméraires, ont osé porter le pantalon. C’était une petite révolution.

3 vêtements qui vous définissent

Une chemise blanche, une cravate et une veste : un style plutôt masculin. Comme mes confrères Karl Lagerfeld et Kenzo Takada, j’ai choisi une sorte d’uniforme qui est la signature de mon style.

Les artistes qui ont forgé votre goût du beau

Louise Brooks, Marlene Dietrich, Carmen Miranda.

Deux institutions culturelles coups de cœur

Des musées qui font rayonner l’histoire de la mode ! J’adore les expositions du Victoria & Albert Museum à Londres et celles du MAD (musée des arts décoratifs) à Paris.

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En haut de page: © Joyce Gallery

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