Diana Vreeland, la fameuse rédactrice de mode américaine, avait coutume de dire que « l’œil doit voyager » : The eye has to travel*. Une conviction fortement partagée par Alexandra Senes. La créative, aux multiples casquettes, s’est toujours laissée guider par sa forte curiosité. D’abord durant son parcours de journaliste – elle fut entre autres à la tête du magazine Jalouse – de consultante, de conceptrice et aujourd’hui dans sa vie de créatrice. Il y a six ans, elle a lancé Kilometre Paris. Un label qui illustre son appétit pour le voyage et la découverte. L’aventure démarre avec des chemises datant du XIXème siècle, reproduites en coton, qu’Alexandra a l’idée de faire broder par des artisanes mexicaines. Sur les textiles, s’épanouissent des dessins inattendus qui révèlent des destinations de voyage connues par une poignée d’initiés. Depuis la gamme s’est étendue à divers vêtements utilitaires qu’Alexandra chine à travers le monde, puis transforme en des pièces magiques qui racontent des lieux. Dans ce vestiaire insolite, on trouve des capes de militaires norvégiens, des vestes de matelots anglais ou des marinières russes. La ligne Club des Voyageurs propose, elle, des pièces premium imaginées par les complices d’Alexandra comme Isabel Marant, André Saraiva, Keren Ann ou Jean-Charles de Castelbajac, et dont 20% des bénéfices sont reversés à l’association Zellidja. En 2021, l’éternelle baroudeuse pose ses bagages dans le quartier parisien Vertbois. Alexandra Senes y inaugure au mois de mai une vitrine digitale. Un espace de 28 m2 qui présente quelques modèles de Kilometre Paris, une sélection pointue de marques et se transforme en un lieu de rencontres pour réinventer le voyage. Jointe au téléphone à Palma de Majorque où elle réside depuis peu, Alexandra raconte gaiement comment l’hyperactive qu’elle est occupe ses week-ends. Et nous fait généreusement voyager à travers ses mots.
Par Inès Matsika
Portrait: Sophie Bramly / Visuels boutique: Michel Figuet
Premier réflexe au lever ?
Les matinées du week-end sont identiques à celles de la semaine car je me réveille avec le sentiment d’être à la bonne place, et très heureuse de pouvoir faire ce que j’aime dans la vie. Et ce depuis mes 18 ans ! La seule différence notable les samedis et dimanches, c’est que je ne suis pas sollicitée par mon équipe.
Du coup, j’utilise cet espace matinal, libéré de toute obligation, pour marcher. Il y a trois ans, lors d’un séjour en Tasmanie, j’ai découvert la marche. Une révélation pour l’adepte de scooter que je suis ! Depuis, j’essaie de privilégier ce mode de déplacement et de randonner dès que je le peux.
Radio, télé ou podcast ?
Tout sauf la télé, je n’en ai jamais possédée de ma vie. J’aime beaucoup les podcasts. Je suis attentivement ceux de France Culture. Le sonore me permet de renouer avec l’exercice journalistique qui consiste à écouter. Il m’arrive de choisir des sujets scientifiques, très éloignés de moi. J’aime bien me perdre dans un vocabulaire qui m’échappe complètement. J’apprécie aussi le podcast La Poudre de la journaliste Lauren Bastide.
Des livres de chevet
Comprendre le monde de la rabbine Delphine Horvilleur. Je trouve cette femme brillante. Elle est capable de parler de toutes les religions avec justesse. C’est un ouvrage que j’offre beaucoup. Je me suis aussi procurée son dernier titre Vivre avec nos morts : Petit traité de consolation, que j’ai hâte de découvrir.
Dans un tout autre registre, je relis régulièrement Rayures, du maître de la couleur Michel Pastoureau et L’usage du monde de Nicolas Bouvier, dont l’œuvre me fascine.
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Les spots pour déjeuner
Dans mon top four, il y a des adresses aux quatre coins du globe. A commencer par Mexico. Quand j’y suis, je brunche le dimanche chez Contramar, un excellent restaurant de poissons. Je suis curieuse et ma philosophie est de toujours tester de nouveaux plats, mais chez eux je craque à chaque fois pour les tacos au tuna spicy ! Un pur régal…Avec ma fille de 23 ans, nous avons une petite habitude : celle d’aller le jeudi à Rome pour manger les gnocchis faits maison du restaurant Settimio. Une adresse confidentielle, exclusivement fréquentée par les Italiens que je recommande fortement. Dans mon nouveau lieu de vie, à Majorque, j’ai un coup de cœur pour le restaurant Casa Manolo au village Ses Salines. Il faut y déguster le poisson en croûte de sel (à commander la veille !) et les croquettes au jambon. Il est très difficile de ne citer qu’une seule adresse à Paris, mais je vais parler d’un lieu qui est devenu sentimental: le Café Charlot. C’est le restaurant favori de ma fille qui y déguste toujours une escalope de veau. Depuis qu’elle étudie au Canada, il m’arrive d’y aller seule et de commander ce plat pour avoir la sensation de déjeuner avec elle.
La compagnie idéale à table
J’imagine une table composée de certains de mes amis, comme l’architecte « colorisée » India Mahdavi, Mounir Neamatalla et le reporter-essayiste Philippe Trétiack. Des personnes qui ont le don du récit et que j’aime particulièrement écouter. Mon ami Mounir a un ecolodge, Adrere Amellal, à Siwa en Egypte. Il a une manière de raconter le monde bien à lui. Mes deux autres complices, ultra productifs et créatifs, ont l’esprit habité par l’image. Ils parlent de manière très vivante. On boit leurs paroles.
Un lieu culturel coup de cœur
C’est un endroit où je rêve d’aller : Enoura, au Japon. Le photographe Hiroshi Sugimoto a créé un observatoire où l’on peut admirer le coucher du soleil. Un lieu que j’imagine propice à la méditation.
3 comptes inspirants
@thenewraieaumilieu, un compte hilarant, politiquement incorrect, tenu par un galeriste qui poste des raies de fesses. @sandraandcoparis, une amie attachée de presse qui est désopilante et très authentique dans ses prises de parole. @madeinmallorca_org, un compte qui présente tous les beaux projets artisanaux et de design qui se développent sur l’île.
Un e-shop à soutenir
www.matchesfashion.com. Un site incontournable qui n’a pas besoin d’être découvert mais j’adore son concept et c’est une plateforme qui soutient Kilometre Paris depuis les débuts. Et aussi www.wedressfair.fr , un site dédié à la mode éthique.
L’action créative du week-end
J’ai l’impression d’être créative tout le temps. Durant ces moments de pause, je privilégie plutôt des activités qui me vident la tête comme la nage et la cuisine. J’adore recevoir et cuisiner pour un grand nombre de personnes ne me fait pas peur. C’est même plutôt ma norme ! On m’a offert un livre du chef israélien basé à Londres Yotam Ottolenghi. Je peux passer deux jours à écumer les épiceries arméniennes ou israéliennes pour trouver les bons ingrédients de ses recettes.
Dernière pensée au coucher
Dans chacune de mes maisons, à Paris et à Palma, je dors dans de très bons lits, l’équivalent d’une literie hôtelière. J’ai l’impression de m’allonger sur un nuage. Et ce sentiment me rappelle toujours la chance que j’ai. Je m’endors en mesurant tout ce que la vie m’offre, jour après jour.
*C’est aussi le titre d’un documentaire sorti sur Diana Vreeland en 2011
