La designer Sarah Madeleine Bru a lancé sa marque de bijoux il y a six mois. Pétrie par son goût du bel objet et par une inspiration organique, elle propose une gamme précieuse tout en finesse, dont elle supervise la traçabilité avec attention. Avec une collection aux lignes envolées, Sarah analyse également les possibilités du joyau comme extension du corps.
Par Maÿlis Magon de la Villehuchet.
Le goût de l’objet
« J’ai grandi dans un environnement plutôt scientifique, avec une mère professeure de biologie et un père ingénieur électronique. Néanmoins mes parents lisaient beaucoup et étaient sensibles à l’art. Ils m’ont transmis leurs penchants pour le cinéma et les arts plastiques. Quand nous sommes partis dans l’Aveyron, c’est la peinture de Pierre Soulages et les vitraux de l’abbaye de Conques qui ont influencé ma pratique créative. Je dessinais de façon obsessionnelle une forme ogivale que je retrouvais dans les œufs et les feuilles. Aujourd’hui, ce motif est toujours la base des bijoux que j’imagine, attirée par l’opposition entre l’angle et la rondeur.
Au lycée, j’ai découvert le mouvement architectural du Bauhaus et la designer Charlotte Perriand. Son travail sur le métal et sa période japonaise autour du bois et du bambou m’ont passionnée. Pour rassurer mes parents, je me suis dirigée vers une formation en design industriel à l’École de design de Nantes. Comme cela ne me plaisait pas du tout, j’ai assouvi mon besoin créatif en effectuant des stages dans les domaines du mobilier et de la céramique, à New York, Berlin et Londres. Ensuite, j’ai eu la chance de partir à Milan pour un second master à la Creative Academy pilotée par le groupe Richemont. C’est là qu’ils forment leurs designers pour l’horlogerie, la joaillerie et la maroquinerie. Outre l’apprentissage du bijou, j’ai rencontré des personnes passionnantes et participé à des projets directement avec les marques. À l’issue de cette formation, j’ai travaillé chez Alfred Dunhill, une ancienne marque londonienne dotée d’un savoir-faire remarquable. À l’époque, Kim Jones était le directeur artistique et j’adorais la manière dont il mélangeait l’esprit patrimonial de la maison et son aura visionnaire.
Je suis ensuite revenue à Paris pour sept années de design d’accessoires en freelance pour différentes maisons de luxe avec qui je travaille toujours aujourd’hui. Piquée par l’envie de suivre le processus du produit jusqu’au bout, j’ai recommencé à dessiner pour moi et à créer des balbutiements de bijoux avec les artisans parisiens que je connaissais déjà. Au début, ce projet était surtout destiné à enrichir mon portfolio mais très vite, l’engouement de mon entourage et les commandes de plus en plus nombreuses m’ont fait sauter le pas. »
Sarah Madeleine Bru et le bijou bien fait
« J’avais décidé de me lancer à l’automne 2019, depuis Londres où je m’étais installée un an auparavant. Mais la vague du Covid est alors survenue et j’ai appris que j’étais enceinte. J’ai failli tout laisser tomber mais une fois le choc passé, je me suis mise à chercher des artisans locaux, en prenant soin de choisir un atelier par métier pour être certaine de tout contrôler. Je me suis donc entourée de sertisseurs, de fondeurs, de joailliers et même de lapidaires quand il est nécessaire de tailler les pierres.
Le sourcing de mes pierres, précieuses ou semi-précieuses, est essentiel. Toute cette tendance holistique sur les énergies et la litothérapie n’a de sens que si la pierre a été extraite dans de bonnes conditions. Le saphir que je sertis vient d’Australie et je sais que mon fournisseur va lui-même à la mine. Je travaille également l’argent, le vermeil et l’or 18 carats recyclés. Ces métaux précieux sont tous facilement recyclables à l’infini. Pour ma collection Sol centrée sur la perle, j’essaye de gérer la traçabilité au maximum. Les perles d’eau douce sont récupérées dans des fermes chinoises qui sont respectueuses de leur environnement. Tout mon suivi de production se fait à Londres car pour arriver à quelque chose de beau et de bien fait, il faut être présent à chaque étape. »
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