Charlotte Bjorklund, la créatrice de Linnea Lund, nous accueille dans son cocon suédois, place de Furstemberg, à Paris. Après un parcours en marketing de mode à scruter les tendances, elle a lancé en 2019 sa marque de maille luxueuse à un prix juste. La matière première venue des chèvres nomades de Mongolie est tissée en Italie, pour créer une gamme de cachemire ultra qualitatif et disponible en de multiples couleurs. Charlotte dépeint une marque confidentielle, animée ce mois-ci par une collaboration avec les bijoux Bangla Begum.
Par Maÿlis Magon de la Villehuchet
Une enfance voyageuse
« Mes parents sont suédois. Ils se sont rencontrés au cours d’une mission à l’Ambassade de Suède, alors qu’il était cuisinier et elle serveuse. Portés par un amour de la France prégnant en Suède, ils sont rapidement partis à Paris pour se lancer dans la restauration puis dans l’import-export viticole. Ils ont mis un point d’honneur à nous offrir une enfance confortable et une ouverture sur le monde. Je suis née à Paris et j’ai grandi entre la France, la Suède et l’Italie, au sein d’un cocon protégé et itinérant, dont le point de chute restait toujours Stockholm.
Je tiens mon goût pour la mode de ma grand-mère, à la tête de sa boutique de prêt-à-porter à Stockholm, et de ma mère, toujours distinguée et bien dans son corps. Par elles, j’ai appris le vêtement comme un objet à porter de différentes manières, détenteur de divers langages et histoires.
N’étant pas très scolaire, j’ai très tôt ressenti le besoin de travailler : à 16 ans, j’étais déjà vendeuse pendant l’été chez Balenciaga et Chanel. J’ai étudié le marketing de mode à Esmod et j’ai été embauchée à la suite de mon stage de fin d’année dans un bureau de tendances, Trend Union. J’avais 19 ans. J’ai découvert l’univers des artisans tisseurs et filateurs, un milieu qui m’a tout de suite passionnée.
À 25 ans, j’ai décidé de fonder ma propre agence de prospective, C Beyond, pour accompagner mes clients dans leurs nombreux projets, de l’organisation d’événements à la création de contenu. J’ai été notamment consultante chez Celine. Je me suis aussi chargée de la promotion de quelques entreprises italiennes de filature, et c’est là que le projet Linnea Lund a commencé à germer. »
Linnea Lund et l’amour du fil
« En étant consultante pour la filature italienne de Cariaggi, j’ai été confrontée à la problématique suivante. Aujourd’hui, on ne peut s’offrir une maille haut-de-gamme, entièrement traçabilisée, que dans les maisons de luxe comme Chanel ou Hermès, mais à des prix exorbitants. Et quand le produit est accessible, la qualité ne suit pas et ce n’est pas fabriqué en Europe. Cariaggi propose des fils simples et nobles, ainsi qu’un suivi de production raisonné. J’ai eu envie de créer une marque de cachemire combinant la bienveillance suédoise, le savoir-faire italien et l’allure française.
Linnea, c’est le prénom de ma grand-mère et c’est aussi le deuxième prénom de toutes les femmes de ma famille. Cela signifie aussi la « ligne » en italien, qui rappelle le trait du fil. Lund veut dire « communauté » en suédois et constitue la seconde partie de mon nom de famille. Linnea Lund, c’est donc la communauté des femmes et la communauté du fil. Comme je ne suis ni designer ni styliste, je préfère mettre l’accent sur les piliers de la marque : le fil et sa qualité, sa provenance, les rôles du filateur et du tricoteur.
J’ai développé Linnea Lund très lentement, en fonctionnant avec un système de précommande. J’ai pu m’appuyer sur ma mère qui cousait les étiquettes des produits en Normandie ! Heureusement que je ne me suis pas précipitée, parce que le Covid a surgi peu après ma première saison, stoppant ma production en Italie. Le partenariat solide noué avec Cariaggi facilite les commandes en très petite quantité. L’entreprise de tricotage se situe à quinze kilomètres de leurs locaux, une solution idéale pour que le produit ne voyage pas trop.
J’utilise un fil venu de Mongolie, traité par un peuple nomade qui voyage avec ses chèvres en les peignant deux fois par an, un processus naturel et nécessaire pour survivre aux changements de température. Je suis très attachée à l’idée de soutenir cet artisanat ancestral en produisant une maille qui dure dans le temps. Pour cela, j’ai aussi développé un partenariat avec une marque de lessive suédoise, Tangent, spécialisée pour nettoyer correctement le cachemire. Pour moi, un sourcing transparent garantit un produit pérenne. »
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