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Black Thread

Le Marché Noir entre au musée avec Black Thread

Marché Noir

Amah Ayivi

Et si le style avait le pouvoir de raconter une histoire aussi bien que les mots ? C’est le pari qu’a fait Amah Ayivi, créateur de Marché Noir. Le travail du designer en vogue – centré sur le tissu africain – est au cœur de l’exposition Black Thread au Världskulturmuseet, en Suède. L’événement met en lumière les traditions textiles de l’Afrique de l’Ouest d’une manière originale. Les étoffes centenaires sont confrontées aux tenues contemporaines de Marché Noir. Œuvres patrimoniales et créations modernes se font face dans un jeu de miroir bluffant. Ici, c’est un tout un héritage textile qui est dévoilé avant tout par l’allure. Une narration tonique à laquelle participe également le couturier Imane Ayissi, invité d’honneur de l’exposition.

 Par Inès Matsika

 

Comment est née l’idée de l’exposition Black Thread ?

L’année dernière, j’ai été approché par Etnografiska Museet, Just Africa et l’Institut français de Suède. Ils réfléchissaient aux événements à mettre en place lors de l’année de l’Afrique, qui devait être célébrée en France en 2020 (et qui fut annulée du fait de la crise sanitaire – Ndlr). L’Institut voulait raconter l’histoire des tissus africains. On a convenu de dévoiler celle du kente et d’en proposer une lecture moderne à partir de mon travail. Le kente est un textile issu du Ghana, tissé depuis le 12ème siècle, porté à l’origine par les notables et les rois. J’avais envie de lui rendre hommage car il est au cœur de mes inspirations. 

Quelle image du tissu africain souhaitiez- vous défendre à travers cette exposition ?

J’ai toujours utilisé le style pour valoriser l’histoire et la qualité des tissus africains. C’est mon angle d’attaque pour que les gens aient envie de savoir ce qui se cache derrière les pièces qui attirent leur œil. Et c’est exactement cette formule que j’ai utilisée pour l’exposition Black Thread. Je mets en lumière le kente, et je démontre, via une mise en scène, qu’il a toute sa place dans les vestiaires d’aujourd’hui.

L’ambition de cette exposition est aussi de mettre en avant un tissu véritablement africain, à la différence du wax qui provient de l’Indonésie et a été développé de manière industrielle aux Pays-Bas. On pointe ici toute la richesse des tissus africains, souvent méconnue ou réduite à des clichés. Il ne s’agit pas de faire une leçon de morale mais de démontrer, de manière très esthétique, tout le potentiel textile du continent noir.

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Marché Noir

Marché Noir

Marché Noir

Marché Noir

Black Thread

Marché Noir © Robert Preston

Comment le dialogue s’amorce-t-il entre les pièces de kente détenues par le musée et les créations de Marché Noir ?

Le musée Etnografiska – partenaire de l’événement – et le Världskulturmuseet (Musée de la culture mondiale, ndlr) ont mis à notre disposition leurs fonds textiles dans lesquels se trouvent d’anciens kentes. L’envie était de confronter ces pièces à des modèles actuels revisités. Je souhaitais expliquer comment je pars de ces techniques ancestrales de tissage pour créer les modèles phare du Marché Noir : le batakali. Il s’agit d’une tenue traditionnelle en provenance du Ghana et du Togo, portée à l’origine par les hommes. Elle est composée de bandes de tissus, confectionnées à la main sur des métiers à tisser, à l’image du kente. Dans mes collections, j’actualise le batakali en le transformant en un modèle unisexe, aux manches plus larges, dans un esprit kimono. Je le décline également en manteaux longs, en robes ou en écharpes. Dans l’exposition, je donne des clés pour s’approprier cette tenue en la mettant en scène sur des mannequins en bois. Mixé à d’autres éléments, le batakali compose des silhouettes complètement contemporaines.

Quels sont les différents médiums utilisés dans l’exposition ?

La vidéo est au cœur de l’événement. J’y présente des collections du Marché Noir et le travail que j’ai pu réaliser en tant que consultant pour des créateurs comme Ozwald Boateng, des salons comme Who’s Next ou des grands magasins tels que les Galeries Lafayette. Il s’agit de représenter mon univers, construit autour du textile africain, tel que je le diffuse autour de moi.

La photographie est aussi omniprésente. J’ai reconstitué un studio de création très visuel, représentant mes inspirations avec au centre la photo de mon père – dont l’élégance m’a toujours influencé – et des clichés de Jerry Rawlings, l’ancien président du Ghana. Cette figure illustre portait fréquemment le batakali lors de ses déplacements officiels et a contribué à valoriser la tenue traditionnelle.

Parmi les autres éléments de mise en scène, il y a un mur sur lequel sont présentés 9 immenses batakalis proposés dans des couleurs peu habituelles.

Les visiteurs peuvent aussi observer un tisserand qui réalise devant leurs yeux une pièce de batakali. Il était important de rendre compte, de manière concrète, du travail minutieux qui se cache derrière chaque modèle.

Une place est faite aux créations du couturier Imane Ayissi dans l’exposition. Pourquoi ce choix ?

Imane Ayissi défend le patrimoine textile africain depuis longtemps. Cette année, son approche, mêlant confection luxueuse et tissus afros, lui a valu d’entrer au calendrier officiel de la Haute Couture parisienne. Il était intéressant de croiser nos regards. Même si nos esthétiques sont très différentes, nous avons en commun la promotion d’un certain savoir-faire.

Que ressent-on quand ses créations entrent au musée ?

C’est une grande fierté ! Je suis heureux de montrer aux artisans avec lesquels je travaille toute la portée de leur savoir-faire. Cela démontre à quel point il est précieux et qu’ils sont les gardiens de techniques rares. C’est aussi émouvant de confronter mes créations à des tissus centenaires et de me retrouver aux côtés de couturiers talentueux comme Imane Ayissi. Ce n’est que le début de l’aventure ! J’ai très envie de défendre cette exposition à travers le monde et de la faire tourner. L’objectif n’est pas de rendre ma marque plus visible. Mais de faire circuler, à travers un projet culturel, des valeurs et une histoire qui me tiennent réellement à cœur.

Lire aussi: Imane Ayissi, le défenseur de la création africaine

marché noir

Marché Noir

Imane Ayissi

Création d’Imane Ayissi présentée dans Black Thread © Robert Preston

3 questions à Imane Ayissi

Qu’est ce qui vous a donné envie de vous associer à l’exposition Black Thread ?

J’ai tout de suite été touché par le titre : Black thread, qui veut dire le fil noir en français. C’est très poétique. ..J’ai bien-sûr eu envie de répondre présent à un événement qui met à l’honneur le tissu africain, ce qui est mon cheval de bataille depuis des années. Il est très rare de pouvoir observer d’anciens textiles, et le faire dans un musée a une saveur particulière. C’est l’occasion pour les visiteurs d’apprendre la signification de certains motifs et de comprendre l’usage de ces tissus qui avaient une fonction bien définie.

 Que présentez-vous au sein de l’exposition ?

Trois silhouettes couture en lien avec la thématique : deux manteaux en kente, doublés de soie, et une robe tout en raphia. Les pièces dialoguent et cohabitent avec les textiles anciens, mis en scène dans l’espace. Le visiteur peut ainsi comprendre comment je construis mon travail à partir d’un patrimoine ancestral, que je modernise et fais évoluer.

Quel message souhaitez-vous passer à travers cette exposition ?

Une conviction que je porte et que je ne cesse de marteler : le textile africain est d’une richesse incroyable. J’aimerai la partager avec le monde entier et ce type d’événement est capital pour diffuser ce message.

Jusqu’au 11 avril 2021. www.varldskulturmuseet.se

Créations d’Imane Ayissi présentées dans Black Thread

En haut de page: © Robert Preston

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