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L’Afrique décolle avec Laurence Airline

Qu’ont en commun Keziah Jones, Mos Def et Stromae ? Hormis d’être d’excellents artistes, ils sont des inconditionnels de Laurence Airline. Créée en 2010 par Laurence Chauvin-Buthaud, la marque propose un vestiaire masculin ayant pour signature le wax, tissu traditionnel d’Afrique de l’Ouest. Obsédée par l’idée de jeter des ponts entre les continents, la créatrice franco-camerounaise invente un dressing moderne à l’esthétique africaine. Coupes urbaines, matières techniques, couleurs explosives : Laurence Chauvin-Buthaud dessine une élégance hybride, empreinte de sa double culture, et débarrassée de tous clichés. Pour des dandys nomades, furieusement connectés au monde.

Laurence Chauvin-Buthaud

Vous êtes une métisse franco-camerounaise. Où avez-vous grandi ?

Je suis née en Côte d’Ivoire, où j’ai grandi jusqu’à l’âge de 4 ans. Quand mes parents se sont séparés, j’ai suivi ma mère en France. Nous avons atterri à Sainte-Jalle, dans la Drôme, où résidait ma famille paternelle. Ce déracinement fut assez difficile à vivre car dans ce petit village français, j’étais perçue comme une curiosité ! Puis nous avons emménagé dans une ferme à la frontière suisse et là, j’ai enfin pris mes marques.

Rappelez-nous votre parcours.

J’ai suivi des cours de stylisme au Studio Berçot et j’ai complété mon apprentissage avec un master sur l’entreprenariat à l’IFM (Institut français de la mode). Mes premières expériences professionnelles furent hétéroclites. J’ai travaillé chez Louis Vuitton, au bureau de style de La Samaritaine et comme défricheuse de tendances pour l’émission Habillé(e) s pour l’hiver auprès de Mademoiselle Agnès. Ce parcours « de touche à tout » m’a permis d’apprendre tous les rouages de la mode avant de lancer ma propre marque.

Laurence Airline n’est pas votre première aventure dans la mode…

Non, en 2007, un concours de circonstances m’a conduite à créer une marque éponyme. Mon père est un industriel français qui travaille en Côte d’Ivoire. Il m’a mise en relation avec une usine de textile à Abidjan. Je devais y rester un mois pour créer une ligne de tee-shirt, mais six mois après j’y étais encore ! Je me suis prise au jeu et j’ai lancé une collection entière de vêtements féminins en wax, dans un style rétro-futuriste. Avec l’aide de Monsieur Bamba un très bon modéliste, j’ai monté un atelier de confection où étaient fabriquées toutes les pièces.

 

Laurence Airline
Laurence Airline
Laurence Airline

Comment la bascule s’est faite entre votre première marque et Laurence Airline ?

Par le fruit du hasard et au bout d’un long cheminement ! Je me suis installée à Londres où j’ai eu l’opportunité d’ouvrir une boutique à Camden Town. Bizarrement, c’était les hommes qui réagissaient le plus à mes créations. Pas un jour ne passait sans que je ne sois sollicitée pour lancer une ligne masculine. J’ai compris qu’il y avait là un vrai besoin. Mais je n’étais pas encore prête à y répondre ! A 25 ans, j’étais déjà usée par le développement de ma marque et j’avais besoin de faire une pause. Je suis donc rentrée en France et j’ai mis mon projet en sommeil. C’est la rencontre avec le chanteur Keziah Jones qui m’a donné envie de le relancer sous une nouvelle forme.

 Expliquez-nous comment Keziah Jones a réveillé votre désir de mode ?

Il m’a demandé de créer ses tenues de scène. Cette commande tombée du ciel m’a stimulée et a balayé toutes mes réticences à me relancer dans la mode. J’ai eu envie d’aller plus loin en développant une ligne masculine pérenne. J’ai donc rouvert mon atelier en Côte d’Ivoire, avec l’appui de Christina, une très bonne modéliste qui l’a supervisé, et le soutien du fidèle Monsieur Bamba. Ensuite, tout est allé très vite. On a croulé sous les commandes. Laurence Airline était née.

 

Lire aussi: Kente Gentlemen fait rayonner l’Afrique au-delà de ses frontières

Keziah Jones

Keziah Jones

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Depuis le départ, le wax est au cœur de vos créations…

Je vais vous étonner mais ce n’est pas par amour pour cette matière mais par commodité. Je travaille avec ce que l’on trouve le plus facilement en Afrique ! J’avais aussi envie d’aborder autrement ce matériau traditionnel, de l’explorer avec davantage de modernité. Ce qui me passionne, c’est de faire se rencontrer les nouvelles technologies et l’artisanat dans mes créations. De mixer héritage et inventions. C’est un challenge que j’essaie de relever à chaque collection de Laurence Airline.

Vous mettez un point d’honneur à fabriquer en Afrique. Pourquoi ?

Derrière Laurence Airline, il y a un projet : celui de faire du prêt-à-porter haut de gamme made in Africa. En général, les matériaux africains s’exportent et sont transformés en vêtements à l’étranger. J’avais envie de prouver que l’on peut réaliser de A à Z des produits qualitatifs sur le sol africain.
En faisant appel à des artisans, j’avais aussi le souhait de préserver un savoir-faire manuel qui est en train de se perdre. J’ai donc recruté une petite équipe de tailleurs, que j’ai formée aux standards européens, et grâce à laquelle je crée une à deux capsules Africa par an. Ces capsules complètent la collection annuelle, au design plus sportswear, qui est fabriquée au Portugal.

De plus en plus de marques africaines – ou qui explorent cette identité- émergent, et se débarrassent de l’étiquette exotique qui pesait sur elles. Croyez-vous que la bataille contre les clichés a été remportée ?

Je l’espère ! Ce qui est certain, c’est que les choses bougent. Il y a dix ans, lorsque je me suis lancée, j’étais précurseur… et bien seule ! Aujourd’hui, il y a beaucoup de marques, comme le Marché Noirqui revendiquent leur dimension multiculturelle et qui assument une identité nomade. Elles font parler leur héritage tout en étant ouvertes sur le monde. C’est une évolution bienvenue car pour moi la richesse se trouve dans la pluralité.

Quels sont les défis que la mode africaine doit-encore relever selon vous ?

Le vrai défi est sur le plan politique. Les dirigeants devraient soutenir la formation aux pratiques artistiques et artisanales.

Pour que la création se développe, il faudrait des infrastructures qui permettent aux jeunes d’apprendre des métiers autour de l’habillement. Or, il n’existe pas sur le continent noir de grande école de modélisme, ce qui est un comble quand on sait à quel point la couture est au cœur de nos traditions !
On peut longtemps parler des ravages de la colonisation, qui sont indéniables. Mais j’attends des dirigeants africains qu’ils prennent leurs responsabilités et qu’ils appliquent les mesures nécessaires pour développer les pays. Et cela devrait commencer par l’éducation et la formation des peuples.

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Mos Def

Mos Def

La mode masculine est en plein boom. Ressentez-vous cet engouement au sein de votre marque ?

Mon secteur – de niche – et mon mode de fonctionnement – une collection annuelle- sont trop particuliers pour faire une analyse réaliste du marché. Depuis le début, la marque s’est construite de manière intuitive, sans stratégie et peu de structures. Elle est surtout le fruit de belles rencontres et d’heureux hasards. Tant mieux, si elle peut profiter de ce moment où la mode masculine émerge et commence à peser économiquement.

Comment s’est produite la rencontre avec les artistes Mos Def et Stromae que vous habillez ?

Ces rencontres sont de véritables cadeaux. Le rappeur Mos Def -aka Yasiin Bey, son nouveau nom d’artiste – a découvert ma marque en Afrique du Sud. Il m’a rendu visite dans mon atelier, accompagné de Stromae, et depuis nous sommes devenus amis. Il porte régulièrement mes créations. C’est un artiste dont les valeurs esthétiques et morales résonnent avec les miennes.

 Le nom de votre marque évoque le voyage, l’ouverture au monde…

Oui, car je suis souvent dans les airs, toujours en mouvement ! J’aime le fait d’être connectée à plusieurs continents. Et c’est précisément ce que je véhicule dans mes créations.

Laurence Airline
Laurence Airline
Laurence Airline

L’héritage mode de Laurence Chauvin-Buthaud

Première émotion mode

Je devais avoir 8 ou 9 ans. Je dessinais beaucoup de vêtements et bizarrement, je pensais qu’on pouvait gagner très facilement de l’argent en faisant ce métier (rires) !

Une odeur liée à un souvenir mode

Celle qui se dégage des backstages lors des défilés de mode. Des odeurs de maquillage et de produits coiffants.

Une époque à laquelle vous auriez aimé vivre

J’apprécie notre époque mais j’aurais aimé connaître les années 70 pour leur liberté, l’explosion des couleurs et des imprimés qui ont marqué la mode.

Un style iconique à revisiter

Celui de Chanel aux débuts de la marque, quand Gabrielle Chanel explorait les lignes masculines pour les adapter à la garde-robe des femmes.

Les archives d’une maison de mode à découvrir

Je suis intriguée par les archives de Courrèges.

Les artistes qui ont forgé votre goût du beau

Les designers Vivienne Westwood et Rei Kawakubo de Comme des Garçons. Je suis aussi très influencée par le courant artistique allemand Bauhaus.

Laurence Airline
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