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Le vestiaire androgyne de Laquintane

De l’attitude. C’est ce que Rémi de Laquintane souhaite donner aux femmes en dessinant pour elles un dressing masculin. A travers sa marque Laquintane, le créateur connu pour avoir fondé Melinda Gloss – rebaptisé Editions M.R -, décline pour la silhouette féminine un tailoring fluide et impeccable. Vestes croisées, pantalons à pinces et manteaux oversize. Avec ce vestiaire boyish, Rémi de Laquintane se joue des codes et bouscule les genres. Il réussit le tour de force de magnifier la féminité avec des tenues d’hommes. Sa signature : un choix minutieux des matières et une confection artisanale pour des vêtements conçus pour durer. Rencontre chaleureuse dans le nouveau studio de création installé dans le 11ème arrondissement parisien.

Vous vous êtes lancé dans la mode en sortant de vos études de philosophie. Comment êtes-vous passé de l’un à l’autre ?

Ça peut paraître surprenant mais on peut définir la philosophie comme étant une recherche esthétique du monde qui nous entoure. Passer de cet univers à celui du vêtement a donc été assez logique pour moi. Après mes études, j’ai eu envie de créer un espace créatif dans lequel on pourrait retrouver la mode, la photographie, le design et la littérature qui sont mes différents centres d’intérêt.

Avec Mathieu de Ménonville, vous avez créé la marque Melinda Gloss pour les hommes, rebaptisée Editions M.R. Racontez-moi cette aventure.

Elle a démarré en 2009 et avec mon partenaire, nous l’avons emmenée assez loin. Nous sommes entrés dans le calendrier de la Fashion Week et avons défilé pendant trois ans. La marque s’est très bien développée à l’international. Elle a une belle trajectoire, et la poursuit encore aujourd’hui, sans moi car j’ai souhaité me concentrer sur un autre projet.

Cet autre projet prend forme en 2017 avec le lancement de la marque Laquintane. Pourquoi investir le terrain de la mode féminine et en quoi est ce différent de créer pour les femmes ?

J’avais beaucoup d’amies qui portaient mes créations Melinda Gloss. J’ai eu envie de répondre à une demande en créant une vraie collection pour les femmes. L’idée était de leur donner accès à un vestiaire masculin débridé, dont les coupes, les volumes et les tailles ont été pensés en fonction de leur morphologie. Il y a eu plusieurs mois d’étude pour trouver la justesse dans les proportions. Imaginer des vêtements qui respectent le corps des femmes et dans lesquels elles se sentent à l’aise, c’est précisément ce qui m’intéresse. Je veux qu’elles se sentent en phase avec le vêtement. Il ne doit pas être un simple objet posé sur elles. Il doit leur donner de l’attitude, une force ! C’est cette dynamique là qui m’intéresse quand je crée pour les femmes.

 

Quelle idée de la féminité véhiculez-vous à travers vos créations ?

Celle d’une féminité assumée sans être démonstrative. Pour moi, la féminité est une question d’attitude et d’allure. Une femme qui se sent bien, accomplie, sûre d’elle même est à mes yeux féminine. Cette notion ne se résume pas au fait de dévoiler son corps. Une femme peut l’être terriblement en portant un costume d’homme. Avec Laquintane, j’ai eu envie d’unir la féminité et la masculinité dans un seul et même dressing.

Est-ce difficile de défendre votre esthétique à un moment où le streetwear domine la mode ?

Même si le streetwear n’est pas un univers dont je m’inspire, j’aime en utiliser certains codes. Je trouve intéressant de créer un choc vestimentaire en associant une pièce de tailoring à une matière technique issue du streetwear. C’est inattendu et fort en contrastes. Mon vestiaire n’est pas figé et se prête aux mélanges. Mes pantalons à pinces se portent aussi bien avec une chemise qu’avec un sweat.

Quels sont les créateurs, qui démocratisent le costume pour la femme, dont vous vous sentez proche ?

Le premier créateur à avoir débridé le vestiaire masculin pour la femme est Yves Saint Laurent. J’apprécie beaucoup son travail. Dans les années 80, Thierry Mugler a aussi fait des propositions de tailoring pour les femmes. L’esthétique était belle mais assez radicale. Quand j’ai créé Laquintane, on n’était pas si nombreux à proposer des tenues d’hommes aux femmes. Aujourd’hui il y a une vraie dynamique avec des marques dont je partage l’univers comme Ami, Officine Générale, Editions MR…C’est bien qu’il y ait cette synergie.

Vous prenez en photos vos créations. Il y a un véritable univers qui s’en dégage. Vous saurez me le décrire ?

Mes photos sont des instantanés, des moments pris au vol dans la rue, dans un café, dans un appartement, en vacances…Elles proviennent du quotidien. Il y a un parti pris réaliste. Ce ne sont pas des photos de mode. J’accepte qu’il y ait des imperfections, que le mannequin soit un peu fatigué, que le stylisme ne soit pas parfait. La femme que je représente dans ces clichés n’est pas apprêtée, elle est peu maquillée et adopte souvent des attitudes nonchalantes. Elle n’a pas besoin d’en rajouter pour avoir de l’allure. Tout est dans son attitude. Ces photos représentent toutes les images que j’ai en tête quand je crée une collection. En lançant seul ma marque, j’ai pu m’investir dans toutes les étapes du processus créatif, et définir de A à Z son identité visuelle.

Où sont fabriquées vos créations ?

Les vêtements sont fabriqués en Europe. La confection se fait dans différents ateliers choisis pour leur spécialité. On travaille uniquement avec des matières très qualitatives et résistantes provenant du Japon et d’Italie. C’est un vêtement qui a été pensé pour durer, au delà de son prix et de son accessibilité.

Le secteur est très compétitif, saturé. Comment est-ce qu’une jeune marque peut-elle émerger parmi les autres ?

Il faut avoir un message très clair car il y a beaucoup de monde qui parle. Il doit être limpide de façon à pouvoir être compris tout de suite par la cliente. Il est aussi crucial d’avoir une identité visuelle intelligible et de créer de l’affect. Je prends plaisir à gérer le compte Instagram de Laquintane car ça me permet d’être en lien direct avec les clientes. Pour porter la voix de la marque, on a aussi ciblé des points de vente premium. Des lieux à notre image ayant une grande qualité de distribution comme le Bon Marché et Beams au Japon. Côté prix, on est dans une notion de luxe abordable. Je souhaitais avoir une certaine honnêteté et proposer un prix équitable. Les vestes sont à partir de 390 €, les mailles à partir de 170 € et les chemises sont à 125 €.

Comment avez-vous envie de faire évoluer Laquintane?

Je souhaite développer la marque à l’international, notamment au Japon qui est notre premier marché et au sein des grands magasins. J’aimerais continuer de proposer des pièces réalisées par des artisans. Et à long terme, ouvrir une boutique pour recevoir la cliente dans un lieu intime qui représenterait bien l’univers Laquintane.

 

Dans l’univers de Rémi de Laquintane

Votre première émotion mode 

Je ne pourrai pas la dater exactement. Mais c’était dans la rue, en sortant d’un défilé. J’ai senti que le vêtement prenait une place importante dans l’attitude des gens. Il y avait une énergie et un enthousiasme très forts qui circulaient.

Une personne dont le style vous a influencé

C’est plutôt une multitude d’inspirations qui m’ont traversé. Mais s’il ne fallait retenir qu’une personne, ce serait David Bowie. Sa silhouette est puissante. Il était capable de mélanger la sensibilité féminine et masculine. C’est une personne très inspirante

Une odeur liée à un souvenir mode

Celle du cuir dans un atelier de confection. C’est une odeur très particulière. On sent quelque chose de presque vivant, d’un peu animal. C’est une émotion assez forte.

Les artistes qui ont forgé votre goût du beau

Il n’a pas été forgé par des artistes mais par mon environnement familial. J’ai vécu dans des demeures anciennes, dotées de vieux mobiliers qui côtoyaient des pièces plus contemporaines, avec aux murs des tableaux de maître. J’ai aussi été très tôt sensibilisé à l’artisanat. Enfant, j’allais visiter des tapissiers et des antiquaires. C’est ce qui m’a donné une direction esthétique dans ma vie. La littérature a aussi beaucoup compté pour moi. Des poètes comme Rimbaud m’ont donné un grand sentiment de liberté.

Vos photographes cultes

J’aime l’univers sensuel de Robert Mapplethorpe, ainsi que le côté abstrait de certaines de ses photos. Son noir et blanc est très beau. J’apprécie aussi l’art du portrait tel qu’il est exercé par le photographe malien Seydou Keita. J’aime cette idée de faire exprimer quelque chose d’une personne à travers une pose, une attitude, un regard.

Les archives d’une maison de mode à découvrir 

Celles d’Yves Saint Laurent et de Martin Margiela doivent être très intéressantes à voir.

Deux institutions culturelles coups de coeur

A Paris, dans le Marais, j’aime l’Institut Suédois pour son hôtel particulier et son jardin. Dans le même quartier, la bibliothèque Forney a une très belle architecture. Il y règne une énergie stimulante.

3 pièces qui vous définissent

La maille, que je porte tous les jours. Les pantalons taille haute à plis, que j’aime aussi beaucoup travailler dans mes collections. Et le tee-shirt blanc, la pièce la plus simple mais la plus incontournable du vestiaire masculin.

 

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