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Bensimon, 40 ans et pas une ride

 L’un est un créatif rêveur, au regard malicieux. L’autre est un gérant visionnaire, à l’affût du prochain coup à jouer. Les frères Serge et Yves Bensimon célèbrent les quarante ans de leur maison. Issue d’un coup de génie – l’exploitation de surplus militaires – la marque traverse les époques sans faiblir et séduit toutes les générations avec un dressing intemporel. Au cœur de la réussite : une tennis, devenu objet iconique. Mais aussi un véritable art de vivre développé au sein de leurs boutiques Home Autour du Monde, de leur librairie Artazart et de la Gallery S. Bensimon. Rencontre pétillante dans leur show-room légendaire, à Paris, au bord du Canal Saint-Martin, pour évoquer la destinée hors norme de la marque.

 Texte : Inès Matsika

Photos : Noé Lefebvre

Archives : Bensimon

© Stéphane de Bourgies, Yves et Serge Bensimon

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Il y a 40 ans, vous avez lancé ensemble Bensimon. Quelles images gardez-vous des débuts de la marque ?

Serge Bensimon : La première image qui me vient à l’esprit est celle des surplus militaires puisque l’aventure Bensimon a démarré ainsi. Dans sa boutique, au Kremlin-Bicêtre, notre père revendait d’anciens stocks de l’armée. Il nous a légué, à mon frère et moi, l’amour de la fripe. Dans les années 70, nous avons chiné à travers le monde des produits dont les gens ne voulaient plus et que nous revendions après les avoir transformés.

C’est de la customisation de surplus militaires que Bensimon est né. Cet amour de la fripe m’a donné envie de faire une mode particulière, en créant une ligne qui revisiterait les vêtements utilitaires. Les coupes, les couleurs, la qualité et la solidité des ces produits sont les inspirations originales de Bensimon.

Yves Bensimon : Je me souviens aussi des balles de fripes que l’on recevait par camions entiers. Délivrer les vêtements était à chaque fois un grand moment d’excitation. On se demandait tout le temps quelles surprises nous attendaient dans ces kilos de surplus.

Être une fratrie vous a-t-il aidé à conserver une vision commune tout au long de ces années ?

Yves : Tout à fait. Avec mon frère, nous sommes complices et complémentaires. C’est ce qui nous a permis d’avancer de manière solide. Nos rôles n’ont jamais bougé. Depuis le début, Serge est le créatif. Il a en charge l’image, le style et la communication de la marque. Je m’occupe de la gestion. On se consulte sur les grandes décisions. Mais je ne me suis jamais mêlé du style. Ça ne m’empêche pas de donner parfois mon avis, même s’il est rarement retenu (rires).

 

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Quelle part de la personnalité de chacun s’exprime dans la marque ?

Serge: Je suis quelqu’un de passionné et d’intuitif. Depuis le début, je fais confiance à mon flair pour faire évoluer Bensimon.

J’ai aussi un goût immodéré pour le voyage. Je reviens à chaque fois de mes périples avec plein d’idées qui prennent vie dans mes créations.

Yves : Je suis plus terre à terre, pragmatique et raisonné. Ce tempérament a contribué à faire des choix pertinents pour le développement de la marque.

Depuis ses débuts, Bensimon poursuit une trajectoire qui lui est propre. Sur quoi repose sa pérennité ?

Yves : On s’est fixé une ligne de conduite et on s’y est tenu. Le style Bensimon a toujours été guidé par des inspirations de voyage et par l’esthétique militaire. Nous nous sommes construits hors tendances ! Un autre élément explique la pérennité de la maison: notre honnêteté. Nous n’avons jamais triché sur la qualité de nos produits ni sur nos prix.

Serge : Bensimon est une marque affective et trans-générationnelle. Quand une personne devient cliente, elle le reste longtemps et elle transmet son attachement à ses proches. Il y a une fidélité assez incroyable envers la maison. Les nombreuses rencontres que nous avons faites – avec des artistes, des créateurs, des journalistes – ont aussi beaucoup œuvré au rayonnement de la marque.

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© Archives Bensimon: tennis, édition 1995

Quelle est la part de stratégie et d’intuition dans le développement de Bensimon ?

Yves : Rien n’est jamais calculé lorsque nous lançons un produit. Tout part d’une envie ou d’une inspiration de voyage de Serge. Plus que l’intuition, je dirais que c’est la curiosité – ce goût de l’ailleurs – qui est au cœur du développement de la marque. Bien-sûr, nos créations doivent s’avérer rentables car vendre est tout de même la fin en soi !

La tennis qui a fêté ses 40 ans est un objet iconique. Comment analysez-vous son succès ?

Yves : Il faut être honnête, il y a un facteur chance énorme dans cette histoire ! Mais cette chance, il a fallu l’attraper au vol et la cultiver. Ça a été un travail permanent de faire durer la tennis durant 40 années.

Serge : La tennis a toujours eu des cycles et a été victime de phénomènes de mode. Durant les périodes creuses, on aurait pu être tenté de l’arrêter. Mais on a continué à lui donner une valeur, une existence, en s’appuyant sur sa forte identité.

La tennis a été réinterprétée par de nombreux créateurs. Pouvez-vous raconter des anecdotes en lien avec les collaborations.

Yves : Chaque collaboration a été une anecdote en soi. Jean-Paul Gaultier a été le premier à l’avoir revisitée. Il l’avait sollicitée pour un défilé. Ont suivi Chanel, Agnès B., DNKY, le sculpteur Enrique Carbajal Gonzalez, connu sous le nom de Sebastián….

Serge : J’ai 1001 anecdotes à raconter ! Un jour où je déjeunais au concept-store 10 Corso Como à Milan, j’ai vu passer Carla Sozzani, la fondatrice du lieu. Étant un grand timide, je suis resté pétrifié et je n’ai pas réussi à aller la voir. Quelques années plus tard, en cherchant un agent en Italie, une attachée de presse m’a mis en lien avec elle. Nous nous sommes rencontrés et une collaboration est née. Elle était honorée de travailler à mes côtés et encore plus excitée que moi à l’idée de cette capsule ! Je me souviens aussi du jour où j’ai croisé par hasard Inès de la Fressange. Je l’ai invité à passer au show-room et très vite l’idée de créer une tennis aux couleurs du drapeau français est née. Cette collaboration a apporté une vraie dynamique à la marque. Toutes ces rencontres- très instinctives – ont débouché sur de belles histoires avec la maison.

 

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Serge Bensimon

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Être une maison indépendante a-t-il toujours été un parti pris et est-ce que ça l’est encore?

Yves : La liberté a toujours été importante à nos yeux. Aujourd’hui, nous avons atteint un certain âge. On ne serait pas contre un apport au capital qui permettrait de développer la marque de façon plus importante. Mais ce n’est pas forcément une fin en soi. 

Avec Home Autour du Monde, vous avez été précurseur dans le lifestyle. Quelle proposition différente apportez-vous aujourd’hui dans ce domaine qui a explosé?

Yves : Nous avons une grande expérience dans les achats de décoration. Notre œil est aiguisé depuis des années. Mais il est vrai qu’il est de plus en plus difficile de se distinguer aujourd’hui ! Dans nos boutiques, nous soignons particulièrement la mise en scène. Avec la sélection pointue des produits, elle est notre principale valeur ajoutée.

Serge : Nous avons aussi une singularité. Nous partons de la mode pour faire de la décoration. Nous cherchons des pièces qui vont s’accorder au vestiaire que j’ai dessiné. C’est une approche qui est propre à Home Autour du Monde.

Avec le recul, y a t-il des choses que vous auriez aimé faire différemment ?

Yves : Non, nous sommes des personnes très optimistes. Nous n’avons aucun regret.

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© Archives Bensimon: cliché vintage des tennis,  années 90

Avez-vous parfois songé à arrêter ?

Serge: Jamais ! Face à l’adversité, nous avons au contraire toujours cherché à avancer et à en faire plus.

Etes-vous fidèles aux jeunes créatifs qui se sont lancés dans cette aventure il y a 40 ans ?

Yves : Le monde de la mode et les modes de consommation ont énormément changé. Tout cela nous a amené à aborder le métier de manière différente.

Serge : Par contre, nos goûts sont restés intacts. On continue de s’émouvoir face aux belles choses. C’est une fierté de conserver cette fraîcheur et de ne pas être lassés au bout de 40 ans. 

Pour célébrer l’anniversaire de la maison et de la tennis, une exposition est organisée à la Joyce Gallery, à Paris. Appréciez-vous ce moment d’introspection et de retour sur le passé ?

Yves : Oui, c’est important parfois de s’arrêter et de contempler le chemin parcouru.

Serge : Mais nous avons choisi de ne pas travailler directement sur ce projet. Nous avons laissé notre équipe le piloter et nous réserver la surprise. Ceci dit, nous avons chez Bensimon une démarche patrimoniale depuis des années. A chaque saison, nous fouillons dans nos archives pour revisiter des modèles ou des détails iconiques. Nous puisons dans l’ADN de la marque pour la moderniser, et la faire durer encore longtemps.

 

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© Archives Bensimon: étiquettes tissées vintage

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Tennis Bensimon revisitées à l’occasion de l’exposition (de gauche à droite) : Alexandrine du blog Artlex; l’artiste peintre Olga Dessine; la plasticienne Elsa Dray Farges.

La tennis fait son show à la Joyce Gallery

A 40 ans, on n’est pas sérieux. La tennis Bensimon le prouve ! Pour célébrer son anniversaire, les créateurs de la marque ont invité de nombreux créatifs à la revisiter de manière très originale. Ces pièces, qui oscillent entre art et mode, sont présentées dans une exposition à la Joyce Gallery, à Paris.

L’exposition retrace l’histoire de la basket iconique et de la maison. On (re)découvre comment Serge Bensimon a transformé une tennis, issue d’un surplus militaire, en une chaussure indémodable grâce à un jeu de couleurs infini. Pour l’occasion, la tennis originelle refait surface dans un blanc immaculé. Elle est vendue en exclusivité à la Joyce Gallery, avec ses quatre semelles interchangeables, dans une pochette au tissu monogrammé, au prix de 35 €.

L’exposition offre également une belle plongée dans les archives de la maison pour bien comprendre sa trajectoire. À ne pas rater.

Jusqu’au 18 mai 2019.

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© Archives Bensimon: Claudia Schiffer avec une tennis Bensimon, Vogue Allemagne, 2014

Tennis collector vendue dans sa pochette à la Joyce Gallery et dans les boutiques Bensimon

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