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ELISE CHALMIN

Le dressing pop d’Elise Chalmin

On devrait la remercier d’avoir déniaisé le motif cœur. En cinq ans, Elise Chalmin est devenue la reine des imprimés pop, signatures espiègles de sa marque éponyme. Propulsée dans la cour des créateurs qui comptent grâce à un tee-shirt best-seller – au double cœur – elle a depuis étoffé son vestiaire en gardant la même ligne directrice : celle de l’humour. Les créations aux coupes simples sont boostées par des imprimés décalés et des coloris punchy. Vêtements, accessoires et chaussures : rien ne semble résister à l’esthétique bubble gum de la jeune femme. Rencontre avec une créatrice solaire dans son appartement parisien baigné de lumière où l’on décèle ici et là son goût immodéré pour les patterns.

 Par Inès Matsika

Photos: Gilles Jacob

ELISE CHALMIN
ELISE CHALMIN

Vue sur Paris depuis l’appartement d’Elise Chalmin

Vous avez d’abord suivi une formation d’illustratrice. Comment êtes-vous ensuite entrée dans la mode ?

Par le jeu du hasard, ce n’était vraiment pas planifié ! J’ai fait une prépa en art et animation aux Ateliers de Sèvres, puis une école d’illustration en Angleterre. Pour mon projet de diplôme, je devais créer une identité visuelle autour du vêtement. J’ai fabriqué des modèles, créé un site et des vidéos pour en assurer la promotion, supervisé une séance photos pour les mettre en valeur, etc. Bref, je me suis éclatée à imaginer tout un univers autour de ces vêtements !
En rentrant en France, j’ai voulu approfondir l’expérience en faisant un stage chez Ventilo, une marque qui n’existe malheureusement plus. Puis un concours de circonstances m’a poussée à trouver une voie plus personnelle. Je suis partie au Pays basque pour passer mon permis de conduire. Comme je m’ennuyais entre deux leçons, j’ai décidé de réimprimer les tissus imaginés pour mon diplôme et d’en faire des tote bags ainsi que des pochettes. Je les ai vendus sur internet, et à ma grande surprise, ça a fait un carton ! Ma marque était lancée.

Malgré le lancement impulsif de la marque, elle se distingue assez vite par son identité à part …

De mon passage chez Ventilo, j’ai conservé l’art des imprimés et de la couleur, et je l’ai mis au cœur de ma marque. C’est ce qui caractérise le plus Elise Chalmin. L’autre point déterminant, c’est ma démarche personnelle. Avec le recul, j’ai compris ce qui avait motivé de manière inconsciente cette aventure. J’ai ressenti le besoin de fabriquer des vêtements qui m’aillent. J’ai toujours été très mince et ça m’a énormément complexée dans ma jeunesse. Créer des vêtements qui flattent ma silhouette m’a aidée à mieux accepter ce corps et à être plus tendre avec lui. Dès le départ, je me suis beaucoup mise en scène. Il était capital d’incarner la marque car au final elle parle d’acceptation de soi. C’est peut-être pour cela qu’elle a rapidement– et cela sans calcul – eu un tel écho.

Elise Chalmin
Elise Chalmin
Elise Chalmin
Elise Chalmin

Quel est le point de départ des créations Elise Chalmin ?

Tout démarre par la couleur car c’est avant tout les associations de tons qui m’inspirent. Puis je dessine les imprimés. Comme la marque est jeune et que nous n’avons pas un grand budget pour le développement, nous avons identifié les modèles qui fonctionnent le mieux. Ils sont reconduits à chaque collection et s’enrichissent de nouveaux imprimés. C’est pour cela que le support d’illustration est la valeur ajoutée de la griffe. Dans un futur très proche, nous avons prévu de développer le patronage afin de toucher davantage de monde et de répondre à toutes les morphologies. On va s’amuser avec de nouvelles coupes et pousser encore plus loin l’une de nos particularités : les empiècements qui donnent une touche singulière aux vêtements.

Au début de la marque, vous confectionniez tout à la main. Qu’en est-il aujourd’hui ?

Ce n’est vraiment plus possible ! (rires). J’ai pris un grand plaisir à le faire mais face à la demande galopante, j’ai dû m’organiser. Aujourd’hui, je travaille avec des ateliers français, sauf pour la fabrication des tee-shirts et des sweat-shirts.

La marque a pris son envol grâce à un best-seller : le tee-shirt Lolita à motifs cœur. Que ressent-on quand une création vous échappe et prend une telle ampleur ?

De la joie, de la fierté… Et aussi de la peur ! (rires). À l’époque, je travaillais seule et ce raz-de-marée m’a complètement dépassée. Je confectionnais tous les tee-shirts et il a fallu faire face. C’était une période assez surprenante. J’ai été soutenue par les médias alors que je n’avais pas de réseau. J’avais contacté quelques journalistes de mode- sans trop fonder d’espoir car je présentais des tee-shirts, pas des créations haut de gamme ! – mais elles ont très vite relayé la marque. Aujourd’hui, cette pièce reste au cœur d’Elise Chalmin– et j’en tire toujours de la fierté – mais je n’aimerais pas qu’elle occulte le reste des collections. Cette année, nous avons vendu davantage de pièces imprimées que de tee-shirts. C’est encourageant car cela veut dire que les clientes ne nous enferment pas dans ce modèle. Elles s’intéressent à un vestiaire qui s’étoffe tout en restant cohérent.

Elise Chalmin
ELISE CHALMIN

Vos créations sont pop, romantiques, drôles. Aviez-vous envie de dérider la mode avec ce vestiaire vitaminé ?

J’avais surtout envie de m’amuser en utilisant le support du vêtement. Sans me comparer, je me sens très proche de marques comme Essentiel Antwerp qui agite la mode avec des mélanges insensés de couleurs et d’imprimés, et du travail d’Alessandro Michele, le directeur artistique de Gucci qui ose à peu près tout ! À leur image, j’ai envie d’exprimer ma fantaisie à travers ma marque. Ce qui ne m’empêche pas d’aimer le style minimaliste. Dans mon vestiaire, je souhaite aussi laisser une place aux pièces plus simples car les femmes ont des envies multiples.

Vous transposez vos motifs sur les vêtements, les accessoires et les chaussures. Quel est le support qui, à vos yeux, s’y prête le plus et celui que vous aimeriez explorer?

J’adorerais imaginer des imprimés pour des pièces de décoration : des rideaux, des housses de couettes, des vases…Ce serait une suite logique pour la marque. Mais je ne veux pas brûler les étapes ! Elle est encore trop petite pour y penser. En revanche, je me prêterais bien au jeu à travers une collaboration. Ça me permettrait d’aborder ce domaine en bénéficiant du savoir-faire d’une marque experte.

Vous avez fait plusieurs collaborations justement (Sarenza, Albertine …) et la dernière en date est Bocage. Comment la rencontre s’est-elle faite avec cette maison cinquantenaire ?

J’ai été tout simplement contactée par leur agence de communication. Le projet m’a tout de suite plus car c’est intéressant de mêler l’univers d’un jeune créateur à une marque beaucoup plus établie. J’ai pris le parti d’habiller la chaussure, de l’aborder comme un vêtement. Il en résulte des pièces assez fortes qui détonnent au pied.

 

Elise Chalmin

Aujourd’hui comment vous définissez-vous : créatrice de mode, designer textile, illustratrice, chef d’entreprise ?

Chef d’entreprise, assurément ! Je suis passée de la confection artisanale de produits sur ma machine à coudre au développement d’une marque. Et j’en assume tous les aspects ! Mais ce que j’apprécie le plus, c’est d’assurer la direction artistique des créations et de les partager avec le plus grand nombre. C’est assez gratifiant de se dire que l’on a créé son propre emploi, à partir de trois fois rien, juste en y mettant beaucoup de sincérité.

Vous avez intégré le programme Talents de la Fédération française du prêt-à-porter féminin. Qu’en espérez-vous ?

Qu’il m’aide à me structurer. Même si la marque marche bien, j’ai besoin d’avancer avec davantage de stratégie. Jusqu’à présent, j’ai tout fait de manière spontanée mais une organisation est nécessaire pour s’inscrire dans le temps. Je vais pouvoir redéfinir les valeurs de la marque et élaborer des plans de collections solides.
J’ai été très surprise d’être retenue car il fallu, après constitution d’un dossier, défendre le projet à l’oral devant un jury assez prestigieux. Et ce fut une expérience déstabilisante. Sur le moment, je n’ai pas eu le sentiment de convaincre ! Je suis très heureuse d’en faire partie aux côtés de marques comme Coralie Marabelle, et de marcher dans les pas de DA/DA Diane Ducasse, de l’ancienne promo. Il y a une synergie entre les jeunes créateurs. On échange sur nos problématiques et on s’inspire du parcours des uns et des autres. C’est un gain de temps précieux et un super carburant pour développer sa marque. On ne se sent plus seul.

https://elisechalmin.com/

À écouter : Élise Chalmin se raconte dans un podcast

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